Québec doit impérativement se pencher sur la composition des groupes d’élèves, avance la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), selon laquelle il s’agit du problème le plus urgent en éducation. À sa « source » : le financement gouvernemental des écoles privées, dit le syndicat d’enseignants.

En entrevue éditoriale avec La Presse, la présidente de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) appelle à faire de l’école publique « un projet de société ».

« On entend le ministre [de l’Éducation, Bernard Drainville] nous dire que l’école privée, c’est le libre choix des parents. C’est le libre choix des parents qui ont les moyens et des élèves qui performent assez pour s’y rendre », rétorque Mme Hubert.

Et quand « ça ne fonctionne pas [dans le réseau privé], les élèves sont retournés dans le réseau public », ajoute-t-elle.

Et avec les projets pédagogiques particuliers qui « finissent souvent » par sélectionner les meilleurs élèves et contribuent à l’écrémage, les classes ordinaires en souffrent, déplore la FAE.

La semaine dernière, le ministre de l’Éducation a estimé en entrevue au Devoir que « la thèse sur l’école à trois vitesses a un biais idéologique », avant de finalement le qualifier de « biais conceptuel ».

En entrevue avec La Presse en janvier dernier, le ministre affirmait que 44 % des élèves du Québec étaient dans un projet particulier au secondaire et expliquait sa volonté de les multiplier dans les écoles publiques.

Mélanie Hubert dit qu’elle n’est pas contre les projets particuliers, mais appelle à abattre les barrières qui freinent l’accession de certains élèves, des « élèves en grande difficulté qui se retrouvent dans des classes surchargées d’élèves comme eux ».

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Mélanie Hubert, présidente de la FAE

C’est ça qu’on ne veut pas. Le système est en train d’échapper [ces élèves] et il est cautionné d’en haut, par le Ministère lui-même.

Mélanie Hubert, présidente de la FAE

« On n’est pas en train de monter un scénario catastrophe », affirme Daniel Gauthier, vice-président aux relations de travail de la FAE. « La composition des classes fait en sorte que l’apprentissage de l’ensemble des élèves actuellement est ralenti et mis en péril », dit-il.

La position de la FAE est claire : le financement du privé par Québec doit cesser et la mixité sociale dans les classes, « c’est la clé ».

Une des sources de cette problématique, ou qui l’exacerbe, c’est le financement des écoles privées et le fait qu’au secondaire, les parents puissent choisir des voies autres.

Daniel Gauthier, vice-président aux relations de travail de la FAE

La FAE appelle à l’ouverture de plus de classes spécialisées au public. Au secondaire, 32,8 % des élèves qui fréquentent l’école publique sont handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA). Dans le réseau privé, cette proportion est de 19,3 %.

« Une fausse solution »

La Fédération autonome de l’enseignement représente plus de 60 000 profs de la province, lesquels sont actuellement en négociation pour le renouvellement de leur convention collective, échue depuis le 31 mars.

La FAE déplore que le ministre de l’Éducation trouve des « réponses faciles » à des questions plus complexes, par exemple dans le cas des aides à la classe, que Québec veut voir venir en renfort dans les écoles. Il s’agira surtout d’employés des services de garde scolaire. « C’est une fausse solution », dit la FAE.

Aux prises avec de plus en plus d’élèves qui ont des troubles d’apprentissage ou des troubles de comportement, c’est de techniciens en éducation spécialisée que les profs ont besoin pour les appuyer, dit la FAE, qui déplore que beaucoup aient quitté le navire dans les dernières années.

L’aide à la classe est à « l’image du projet de loi » 23 déposé au début de mai, dit Mélanie Hubert. « D’en haut, on va décider ce qui est bon et ça va descendre coûte que coûte dans le système », dit-elle.

Le projet de loi 23 prévoit notamment que le ministre de l’Éducation pourra casser des décisions prises par des centres de services scolaires si celles-ci « se détachent » de la vision du gouvernement.