Une coalition d’associations musulmanes s’adresse à la cour pour faire révoquer l’interdiction d’aménagement de salles de prière dans les écoles décrétée par le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville.

Adoptée il y a à peine un mois, la directive du ministre contrevient à d’autres lois du gouvernement, en plus de violer la Charte canadienne des droits et libertés, affirment-ils dans leur procédure déposée en Cour supérieure mercredi.

« Le caractère véritable de cette mesure est une interdiction complète de toute forme de prière que ce soit dans les établissements scolaires publics », plaident les demandeurs dans leur poursuite.

Cette coalition regroupe l’Association musulmane du Canada, le Forum des musulmans canadiens, le Centre communautaire musulman de Montréal, l’Association musulmane de l’Amérique du Nord à Laval, le Centre Culturel Musulman de Montréal Inc. et le Centre communautaire islamique de Brossard.

Le 19 avril, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, avait donné officiellement l’ordre à tous les centres de services scolaires d’interdire l’aménagement de salles destinées à la prière dans les classes.

Ce geste faisait suite à la parution de plusieurs reportages au sujet d’écoles secondaires de Laval, entre autres, qui avaient aménagé des salles de recueillement dans des classes, alors que des groupes d’élèves priaient dans des lieux inappropriés, comme les cages d’escalier ou les stationnements.

Dans une directive adoptée par le Conseil des ministres, Bernard Drainville affirmait qu’« aucun lieu » d’une école ne devrait être utilisé pour prier.

Un libellé « erroné »

La directive, parue dans la Gazette officielle, affirmait également qu’elle était rendue nécessaire « afin de préserver le caractère laïque de l’école » et visait à ce que les centres de services scolaires s’assurent « qu’aucun lieu n’est utilisé, en fait et en apparence, à des fins de pratiques religieuses telles que des prières manifestes ou d’autres pratiques similaires ».

Or, ce libellé serait « erroné », plaide la coalition, puisque cette mesure va à l’encontre de lois déjà adoptées par Québec, dont la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État qui prévoit la possibilité d’accommodements raisonnables.

Qui plus est, la Loi sur la laïcité de l’État, adoptée par le gouvernement Legault lui-même, crée des interdictions spécifiques qui s’appliquent aux fonctionnaires, mais pas « spécifiquement au niveau des administrés qui sont ici les élèves », ajoute-t-on.

Aussi, « puisqu’il s’agit d’une interdiction complète de toute forme de prière et que la prière est une composante essentielle de la pratique religieuse musulmane, cette interdiction discrimine un groupe d’individus au détriment d’autres groupes », peut-on lire dans le document.

La pratique de cette religion demande d’effectuer cinq prières par jour à différents moments de la journée, « moments qui peuvent se retrouver en même temps que les élèves sont à l’école », rappelle la coalition dans sa poursuite.

Ce pour quoi elle réclame la révocation de la directive et un jugement sur l’interprétation juridique de la laïcité et de la neutralité religieuse de l’État afin que ces notions ne soient plus « interprétées comme pouvant permettre une interdiction complète et absolue des pratiques religieuses en tout lieu publique ».

« La communauté musulmane ne cherche pas à être privilégiée par rapport aux autres, mais affirme son refus catégorique d’être continuellement prise pour cible sous différents prétextes et excuses », a déclaré le Forum des musulmans canadiens, dans un communiqué émis mercredi.

Appelé à réagir, le cabinet du ministre a indiqué mercredi qu’il ne fera pas de commentaire étant donné la judiciarisation du dossier. Selon le Forum, Bernard Drainville a été averti de l’éventuel dépôt de cette poursuite.

L’histoire jusqu’ici

3 avril 2023

Deux écoles secondaires de Laval ont autorisé l’ouverture temporaire d’un local de « ressourcement » pour permettre aux élèves de confession musulmane de prier, révèle Cogeco Nouvelles.

5 avril 2023

Après avoir d’abord déclaré que les écoles ne doivent pas réserver de locaux de prières à une seule religion, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville change son fusil d’épaule. Une directive sera émise pour interdire cette pratique, dit-il.

19 avril 2023

Le Conseil des ministres approuve une directive ordonnant aux centres de services scolaires de s’assurer que leurs écoles n’aménagent pas de locaux de prières.