Les dons versés aux universités québécoises ont augmenté de plus de 72 % en 10 ans. Sans surprise, McGill récolte presque autant que toutes les autres universités réunies. Mais les établissements francophones enregistrent aussi une importante croissance.

En 2020-2021, les dons versés aux universités s’élevaient à plus de 237 millions de dollars, selon des données du ministère de l’Enseignement supérieur consultées par La Presse. Ce montant exclut les dons versés à Polytechnique Montréal et à l’École nationale d’administration publique.

C’est une hausse de plus de 72 % par rapport aux dons amassés par le réseau universitaire en 2010-2011, soit 137 millions de dollars.

« On dit souvent que les Québécois n’ont pas la tradition philanthrope, mais je pense que cela change », indique François Gélineau, vice-recteur aux affaires internationales et au développement durable responsable de la philanthropie à l’Université Laval.

L’Université Laval vient d’enregistrer une année record : plus de 70 millions en engagements philanthropiques (certains dons sont dépensés sur plusieurs années).

Même chose à l’Université du Québec à Montréal, qui a conclu en novembre une campagne de financement majeure lancée en 2018 avec une enveloppe totale de près de 119 millions de dollars. Sur 52 000 dons, près de la moitié provenait de nouveaux donateurs.

« Il y a une plus grande augmentation des sommes issues des dons, mais ça suit en général la hausse des dépenses globales et des sources de revenus des universités », nuance Martin Maltais, professeur de financement et politiques d’éducation à l’Université du Québec à Rimouski.

McGill, loin devant les autres

Ce qui change progressivement, c’est l’engagement plus soutenu des diplômés des universités francophones, fait valoir M. Maltais.

« Il faut dire qu’il y a 30 ans, il y avait moins de richesse chez les francophones qui avaient fréquenté l’université », précise-t-il.

Mais il reste du chemin à faire pour atteindre le niveau de certaines universités anglophones.

Sans surprise, McGill est l’établissement qui récolte le plus de dons — et de loin. En 2020-2021, l’établissement anglophone a encaissé plus de 117 millions, presque autant que toutes les autres universités réunies. À titre illustratif, cela représente 3485 $ par étudiant, contre 987 $ par étudiant à l’Université de Montréal (UdeM).

Or, la croissance de McGill et de l’ensemble des autres universités suit une tendance semblable. Même que, mises ensemble, l’UdeM, HEC Montréal et Polytechnique Montréal réduisent progressivement l’écart, avec une hausse de 102 % depuis 10 ans.

« On ne se gêne pas pour demander et c’est un changement culturel qu’on essaye de se donner », indique Michael Pecho, vice-recteur aux relations avec les diplômés et à la philanthropie à l’Université de Montréal.

L’an dernier, l’UdeM a amassé 222 millions de dollars en engagement philanthropique — un record. Ça inclut le cadeau d’envergure de 159 millions de la Fondation Courtois pour la recherche fondamentale en sciences naturelles. C’est le plus grand don jamais fait à l’Université de Montréal et le troisième don en importance fait à une université au pays.

Dans la dernière année seulement, plusieurs universités ont aussi annoncé des mégadons de plusieurs millions de dollars — une tradition bien ancrée aux États-Unis et dans le reste du Canada, mais plus récente dans les établissements francophones au Québec.

« Un certain déséquilibre », déplore l’UEQ

L’Union étudiante du Québec (UEQ) déplore « un certain déséquilibre » dans les dons reçus par les universités « plus prestigieuses ». « Certaines facultés reçoivent aussi plus de dons », critique sa présidente, Samy-Jane Tremblay.

Au Québec, il existe un programme public qui vise à majorer de près de 50 % les dons versés aux universités. Et à les encourager à fixer des objectifs plus ambitieux en matière de philanthropie.

Le montant total des subventions de contrepartie versées aux universités avec ce programme est de 25 millions par année. À noter que les universités de petite taille reçoivent plus d’argent par dollar amassé que les grands établissements.

Malgré cela, « il y a des disparités importantes entre les différents établissements. Est-ce que c’est le rôle de Québec d’encourager cette disparité ou devrait-il plutôt chercher à l’atténuer [dans une logique redistributive, par exemple] ? C’est une réflexion importante », soulève Pier-André Bouchard St-Amant, professeur de finances publiques à l’École nationale d’administration publique et coauteur du livre Démystifier la formule de financement des universités.

Selon lui, il faut aussi se questionner sur l’efficacité du programme. « Si la philanthropie avait été exactement la même [sans celui-ci], on devrait peut-être utiliser ces fonds publics autrement », ajoute-t-il.

« Les dons, c’est l’innovation »

La philanthropie représente une part infime des revenus des universités, mais elle en est un complément essentiel, arguent les établissements. « Les dons, c’est l’innovation », résume Michael Pecho.

Les dons (et en particulier les mégadons) permettent de financer des projets de recherche audacieux qui autrement n’auraient pas reçu de financement public. Ils servent également à créer des bourses d’études ou à construire des infrastructures d’enseignement.

« La philanthropie joue un rôle important. C’est notre levier de développement », souligne François Gélineau.

Les universités doivent cependant se doter de mécanismes pour éviter, selon Martin Maltais, « de se mettre au service d’intérêts qui sont en conflit avec leurs missions fondamentales au Québec ».

Avec Francis Vailles, La Presse