(Montréal) En cette nouvelle rentrée scolaire, des élèves de certaines écoles du Québec doivent suivre, dans le cadre d’un projet pilote, le nouveau cours de culture et citoyenneté québécoise (CCQ) qui remplace celui d’éthique et culture religieuse (ÉCR). Selon une analyse publiée mercredi par deux chercheurs associés à l’Institut de recherche sur le Québec, la nouvelle approche pourrait ouvrir la porte à des contestations judiciaires.

« À notre avis, à la lecture de l’actualité, il est probable, voire fort probable, que contestation judiciaire il y aura », peut-on lire dans le document intitulé « D’Éthique et culture religieuse à Culture et citoyenneté québécoise », rédigé par l’avocat François Côté et l’enseignant David Santarossa.

Après avoir analysé en profondeur le contenu du nouveau cours et l’avoir comparé à son prédécesseur, Me Côté en vient à la conclusion que la nouvelle approche proposant une réflexion critique citoyenne des religions ouvre la porte à de probables contestations judiciaires.

« On s’éloigne de la déférence forcée » qui caractérisait le cours d’ÉCR, explique l’avocat décrit comme un spécialiste en théorie du droit québécois, du droit civil et des libertés fondamentales. « Cette divergence pourrait être perçue comme une atteinte aux droits fondamentaux », prévoit-il en insistant être « en désaccord résolu » avec une telle position.

Des parents croyants et pratiquants voulant transmettre leur foi à leur enfant pourraient craindre de voir ces convictions ébranlées si les élèves sont appelés à aiguiser leur pensée critique face au phénomène religieux et à ses impacts au sein de l’évolution de la société québécoise.

« C’est le volet “pensée critique” de la religion, souligne Me Côté en entrevue à La Presse Canadienne. Dans le cours d’ÉCR, on ne remettait pas en cause les croyances et surtout les pratiques religieuses. C’était essentiellement la consécration académique de la culture des accommodements raisonnables. »

S’il se dit assez convaincu qu’il y aura des contestations judiciaires, Me Côté soutient toutefois que le succès de ces démarches est loin d’être acquis alors qu’il se dit « fondamentalement convaincu » que le cours CCQ « demeure tout à fait valide dans la tradition juridique civiliste du droit québécois en matière de liberté fondamentale ».

Par ailleurs, les chercheurs offrent des pistes de solution préventives au gouvernement afin d’éviter les litiges devant les tribunaux. Ils suggèrent qu’une exemption pourrait être offerte aux élèves de familles croyantes ; que le cours soit purgé de son contenu religieux ; ou encore que le gouvernement modifie la Loi sur l’instruction publique et protège le cours de CCQ en ayant recours à la disposition de dérogation.

Personnellement, Me Côté favorise la troisième voie puisqu’il demeure persuadé de l’importance d’un enseignement citoyen aux élèves du secondaire qui seront appelés à participer activement à la société démocratique québécoise dans leur vie adulte.

À ses yeux, il est nécessaire d’aider les élèves à développer leur pensée critique face à la religion « à la lumière d’une trame éducative centrée sur l’histoire, la culture et la citoyenneté québécoise ».

« On ne peut pas enseigner l’histoire nationale et culturelle du Québec sans avoir une vision critique de la religion, ne serait-ce que pour parler, par exemple, de la Révolution tranquille », plaide l’avocat.

Il soutient que les jeunes doivent être en mesure de conserver leur libre arbitre pour déterminer par eux-mêmes si tel ou tel comportement prôné par la religion est conforme, par exemple, avec l’égalité homme-femme nécessaire au bon fonctionnement de la société.