Les futurs étudiants en région de la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal ne sont pas encore inscrits que déjà, on se les arrache. Au lieu de dépenser des dizaines de millions de dollars en infrastructures pour les envoyer à Rimouski, Québec devrait utiliser les installations de La Pocatière, réclament des élus de cette région du Bas-Saint-Laurent, qui en font un enjeu électoral.

« C’est quand même le berceau de l’agriculture au Canada, 163 ans, ce n’est pas plate ! On a tous les équipements pour accueillir ça, on ne comprend pas », déplore le préfet de la municipalité régionale de comté (MRC) de Kamouraska, Sylvain Roy, en entrevue téléphonique.

La première école d’agriculture permanente au Canada, fondée en 1859 à La Pocatière, est aujourd’hui un campus de l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ). Le cégep de La Pocatière, qui offre une technique en santé animale, se trouve aussi dans la municipalité.

« C’est comme si personne n’avait vu passer ça », s’indigne le maire de Saint-Roch-des-Aulnaies, André Simard, qui a dirigé l’Institut de La Pocatière de 1996 à 2010 et a lui-même été vétérinaire.

La faculté de médecine vétérinaire prévoit ouvrir 25 places additionnelles en région à l’automne 2024, dont la moitié pour des candidats intéressés aux animaux de ferme. Ce « programme décentralisé », dont les trois premières années se donneront l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), vise à atténuer la pénurie de vétérinaires à l’extérieur des grands centres, qui touche particulièrement les éleveurs et le secteur bioalimentaire.

Cette expansion, qui inclut des investissements dans les installations de la faculté à Saint-Hyacinthe, coûtera plus de 101 millions de dollars, dont 38 millions à Rimouski, a annoncé Québec à la mi-juin.

L’Université de Montréal ayant déjà des relations avec l’UQAR, elle s’est tournée vers elle pour discuter d’un partenariat, explique-t-elle. Québec leur a accordé près de 630 000 $ en mars 2020 pour produire un dossier d’opportunité, un appui annoncé six mois plus tard. Mais c’est seulement au printemps dernier, après que le gouvernement Legault eut inscrit le projet au Plan québécois des infrastructures (PQI), que La Pocatière est montée au créneau.

« C’est un projet qui est ficelé, très avancé », souligne la doyenne de la faculté, la Dre Christine Theoret.

Un campus satellite réclamé

« On ne peut pas nous dire que nous sommes en réaction, puisque pour l’instant, les travaux ne sont pas débutés », a plaidé la Chambre de commerce Kamouraska-L’Islet dans un communiqué soulignant sa pétition sur le site de l’Assemblée nationale, au début de juin. La pétition réclame que « le site de La Pocatière soit retenu pour l’implantation d’un programme de formation en médecine vétérinaire sous l’égide de l’Université du Québec à Rimouski et l’Université de Montréal ».

L’idée serait d’utiliser les infrastructures de La Pocatière au lieu de construire à Rimouski.

L’étude d’opportunité évoque déjà un partenariat avec l’ITAQ, mais La Pocatière voudrait avoir les étudiants à temps plein durant trois ans, et être un campus satellite, comme celui que l’UQAR exploite à Lévis. La loi qui a créé l’ITAQ prévoit que cet institut puisse « offrir des programmes d’enseignement universitaire », fait valoir M. Simard.

Les MRC de Kamouraska et de L’Islet, qui ont déjà adopté des résolutions d’appui unanimes, entendent maintenant cibler les candidats de la circonscription de Côte-du-Sud. Les MRC vont demander qu’ils s’engagent à réaliser « une étude comparative pour voir si La Pocatière pourrait être considérée », résume le préfet Roy.

Pour Québec comme pour la faculté, il n’en est pas question.

On a des besoins énormes pour la profession et on ne veut pas accumuler du retard.

La Dre Christine Theoret, doyenne de la faculté de médecine vétérinaire

« Le train a quitté la gare », indique-t-on au cabinet du ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation. « Le ministre Lamontagne comprend et partage les objectifs des élus de La Pocatière [...]. Cependant, compte tenu de l’importance d’agir rapidement, nous croyons que les élus locaux font fausse route », indique-t-on par courriel.

« Nous invitons tous les partenaires qui pourraient être intéressés à collaborer au projet à discuter avec les deux établissements », a déclaré la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, par courriel. Le ministre Lamontagne évoque aussi « une possibilité » de partenariat avec l’ITAQ.

Quand la Faculté s’est demandé dans quelle région choisir une université partenaire, les installations de La Pocatière ont joué en faveur du Bas-Saint-Laurent, nous a également affirmé la doyenne.

L’étude d’opportunité comprend 75 pages de lettres d’appui, dont celles de l’ITAQ et du cégep de La Pocatière. Presque toutes reprennent les mêmes arguments et tournures.

« On leur a fourni un gabarit duquel ils pouvaient s’inspirer », reconnaît la Dre Theoret, ajoutant qu’il s’agit d’une pratique courante dans les demandes de financement.

Lisez « Un programme très attendu de médecine vétérinaire débarque à Rimouski » Voyez la pétition de La Pocatière