Bien qu’elle soit repoussée ce matin dans bon nombre d’écoles en raison de la tempête, la rentrée est source d’inquiétude. Pour des enseignants, porter un masque N95 apaiserait un peu leurs craintes. Mais à Montréal, on le leur défend.

Alors que des milliers d’élèves québécois retourneront cette semaine sur les bancs d’école, le Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) interdit aux enseignants de porter leur propre masque N95. Une mesure dénoncée par le syndicat.

« Le retour en classe dans les conditions actuelles inquiète les profs. L’accès au N95 aiderait le sentiment de sécurité de plusieurs. Non seulement le gouvernement ne les fournit pas aux enseignantes et enseignants qui le souhaitent, mais le CSSDM en interdit le port à ceux qui s’en procurent à leurs frais. C’est inacceptable », affirme à La Presse Catherine Beauvais-St-Pierre, présidente de l’Alliance des professeures et des professeurs de Montréal.

Le CSSDM oblige le personnel à utiliser l’équipement de protection individuelle qui est fourni par le ministère de l’Éducation, afin de s’assurer de la conformité de celui-ci, a indiqué le porte-parole du centre de services scolaire, Alain Perron.

La commission scolaire Lester-B. -Pearson, dans le Grand Montréal, continuera aussi à appliquer les directives du gouvernement et de la Santé publique. Puisque les masques N95 n’ont pas été fournis par le gouvernement, les enseignants devront continuer de porter les masques médicaux livrés par le Ministère.

Les directives varient selon les régions. Au centre de services scolaire des Draveurs, en Outaouais, les membres du personnel sont autorisés à porter leurs propres masques N95 tant qu’ils sont certifiés, a indiqué la conseillère en communication Mélissa Fortin.

Le Centre de services scolaire Marie-Victorin, sur la Rive-Sud de Montréal, permettra aussi aux enseignants de le porter.

Le Centre de services scolaire des Grandes-Seigneuries (CSSDGS), sur la Rive-Sud de Montréal, tolérera le port du masque de type N95 que des membres du personnel pourraient se procurer. « Cette orientation est temporaire et sera confirmée une fois que nous aurons en main toutes les balises entourant leur utilisation ainsi que les informations techniques au regard de ces ceux-ci », a indiqué à La Presse Hélène Dumais, directrice adjointe au service du secrétariat général et des communications du CSSDGS.

« Un masque N95, c’est un masque qui est utilisé surtout pour des chirurgies. La Santé publique nous dit [qu’un] masque de procédure, qui est moins difficile à porter, est suffisant pour nos enseignants », a indiqué le premier ministre du Québec, François Legault, lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle, dimanche soir.

« Pas nécessaire dans les écoles ordinaires »

Dans le contexte de la propagation fulgurante du variant Omicron, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et ses fédérations du secteur scolaire implorent le gouvernement de rendre disponibles les masques N95 au personnel de l’éducation qui les réclame.

Québec réserve plutôt ce type de masque pour le personnel des écoles et des classes spécialisées, puisqu’il n’est « pas nécessaire dans les écoles ordinaires », avait indiqué le nouveau directeur national de santé publique, le DLuc Boileau.

Jeudi dernier, une étude de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a conclu que le masque médical et le masque N95 sont tous deux efficaces pour prévenir la transmission de la COVID-19.

Le masque N95, s’il est bien porté et ajusté, est plus efficace que le masque médical pour réduire l’exposition aux aérosols de petite taille, selon les données de tests expérimentaux en laboratoire.

« Toutefois, cette efficacité théorique est moins claire sur le terrain », a indiqué l’INSPQ dans un communiqué. Les données obtenues dans différents contextes de travail réels ne permettent pas de statuer à ce jour que le masque médical est moins efficace que le N95 pour prévenir l’infection, peut-on y lire.

Sentiment de sécurité

Pour Dominique Tellier, enseignant depuis 16 ans au centre de services scolaire Marie-Victorin, sur la Rive-Sud de Montréal, le masque N95 offre plus d’inconvénients que d’avantages. « Les experts disent que ce n’est pas fait pour parler pendant de longues périodes et qu’on va être épuisés, explique-t-il. Le masque bleu, c’est déjà très difficile. »

L’homme de 48 ans ne voit cependant pas pourquoi des personnes qui souhaitent le porter ne pourraient pas le faire.

Si ça peut permettre à des gens de se sentir plus en sécurité, je ne vois pas pourquoi les gens ne pourraient pas le porter.

Dominique Tellier, enseignant

« Fournir des masques N95 à tous les enseignants demeure beaucoup moins dispendieux et dommageable que de voir nos structures éducatives et médicales s’effondrer », a affirmé une enseignante travaillant pour le CSSDM, qui a demandé à garder l’anonymat par crainte de représailles de la part de son employeur.

Dans un témoignage par écrit, elle a affirmé à La Presse porter déjà un masque N95 depuis deux semaines et s’y être habituée. « Pour certains enseignants ayant une santé vulnérable, les obliger à porter le masque de procédure, c’est comme si on leur disait qu’ils ne peuvent se protéger avec un masque – le N95 ou le KN95 – qui joue le rôle d’un « médicament » pour eux », déplore cette professeure.

« Incohérence » déplorée

Malgré la contagion du variant Omicron et la situation dans les hôpitaux, le gouvernement Legault a décidé jeudi de maintenir la date du 17 janvier pour le retour à l’école. (De nombreuses écoles sont toutefois fermées ce lundi en raison de la tempête de neige.)

Consultez notre couverture de la tempête et la liste des écoles fermées

Québec a promis une série de mesures pour assurer une rentrée sécuritaire. Davantage de masques d’intervention seront offerts dans les écoles, et 7,2 millions d’autotests seront distribués pour les enfants du préscolaire et du primaire. Le déploiement de lecteurs de CO2 se poursuivra jusqu’en février, et des échangeurs d’air seront installés dans les écoles qui en font la demande.

Néanmoins, ces mesures sont loin de rassurer des parents et enseignants qui déplorent une « incohérence » et un « flou » dans le discours du gouvernement.

On nous dit qu’on est dans un pic, que notre système de santé n’est plus capable d’en prendre, mais on ramène tout le monde dans nos écoles. C’est ça qu’on appelle l’incohérence des messages qui sont donnés.

Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement, affiliée à la CSQ, à La Presse Canadienne

Bien que beaucoup de parents accueillent avec « soulagement » la réouverture des écoles pour l’apprentissage de leurs enfants, un manque de clarté persiste, a indiqué à La Presse Canadienne le président de la Fédération des comités de parents du Québec, Kévin Roy.

« On a un peu l’impression qu’on ferme les yeux et on avance. On verra bien ce qui va se passer », a-t-il soutenu au bout du fil.

L’Ontario a annoncé la semaine dernière qu’elle donnerait accès à plus de 10 millions de masques N95 sans test d’ajustement pour l’ensemble du personnel des secteurs de l’éducation et des services de garde d’enfants. Cette cargaison s’ajoute aux quatre millions de masques en tissu à trois épaisseurs récemment expédiés en vue de leur utilisation dans les écoles.

Aux États-Unis

Par ailleurs, les autorités sanitaires américaines ont encouragé vendredi un plus grand nombre d’Américains à porter les masques de type N95 ou KN95 utilisés par les professionnels de la santé afin de ralentir la propagation du coronavirus.

Ces masques étant auparavant en nombre insuffisant, les responsables des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) des États-Unis avaient déclaré qu’ils devaient être utilisés en priorité par les professionnels de la santé.

Dans une mise à jour des directives publiée vendredi, les responsables des CDC ont éliminé les préoccupations liées aux pénuries d’approvisionnement et ont indiqué plus clairement que les masques N95 et KN95 correctement ajustés offrent la meilleure protection.

Jeudi, le président des États-Unis, Joe Biden, a annoncé que son administration prévoyait de mettre gratuitement à la disposition de la population des « masques de haute qualité », notamment des N95. Il a précisé que de plus amples détails seraient fournis la semaine prochaine. Le gouvernement fédéral dispose d’une réserve de plus de 750 millions de masques N95, a indiqué la Maison-Blanche.

Avec la collaboration de Lila Dussault, La Presse, La Presse Canadienne et l’Associated Press