(Québec) Sous le feu des critiques de l’opposition pour ne pas avoir créé les places promises en CPE, le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, allège la bureaucratie dans l’espoir de corriger le tir, chose qu’il s’était pourtant engagé à faire il y a deux ans. Il refuse toutefois de s’engager à respecter sa promesse d’ici la fin du mandat.

Il y aura moins de haies dans la course à obstacles pour ouvrir un CPE : le nombre d’étapes dans le « processus de développement des places » passera de 17 à 9.

Québec ne demandera plus qu’un CPE finance, sauf exception, 25 % des coûts d’infrastructures. Tous les projets de CPE seront admissibles à un financement à 100 % du gouvernement, une demande qui avait été faite par l’opposition d’ailleurs.

L’État donnera une avance de fonds de 50 000 $ dès l’octroi des places pour que le CPE retienne rapidement des professionnels afin, entre autres, de déterminer s’il est préférable de louer des locaux ou plutôt de construire un bâtiment. Un CPE n’aura plus à aller en appel d’offres sur invitation pour tout contrat supérieur à 5000 $ (le seuil passe à 25 000 $) ou en appel d’offres public pour tout contrat supérieur à 50 000 $ (le seuil passe à 105 700 $).

Comme l’État essuie la facture des infrastructures, il faut maintenir des « balises » pour éviter de mauvaises surprises et des dépassements de coûts, fait valoir le ministère.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Mathieu Lacombe

C’est la fin des « longues et interminables » étapes dans le développement de places, un processus « inefficace », a soutenu le ministre Lacombe en conférence de presse vendredi. Selon lui, grâce aux mesures annoncées, le délai moyen pour la réalisation de places passera de 36 à 24 mois. « On n’abolit pas les contrôles, il demeure qu’on gère des fonds publics, mais on les met au bon endroit et au bon moment pour être efficace. »

Mathieu Lacombe a choisi d’annoncer ces « allègements administratifs » vendredi, une heure avant de passer sur le gril en Chambre à l’occasion d’un débat de deux heures avec l’opposition – une interpellation réclamée par le Parti québécois sur le thème du « bilan désastreux du gouvernement de la CAQ quant à l’accessibilité à une place en service de garde éducatif à l’enfance ».

Il y a deux ans, le ministre promettait la création de 13 500 places supplémentaires en CPE dans un délai de deux ans « top chrono » - certaines de ces places avaient été annoncées sous le gouvernement Charest en 2011 puis le gouvernement Marois en 2013. Il a lancé depuis un nouvel appel d’offres pour créer 2500 places supplémentaires afin d’arriver à un total de 15 000.

Or, seulement 2500 places ont été créées depuis deux ans. Quelque 51 000 enfants sont sur une liste d’attente pour une place.

Selon le ministère, environ 7500 places supplémentaires se concrétiseront d’ici le 31 mars 2022. Si tout se passe bien, a-t-on tenu à préciser. Mathieu Lacombe se donne une marge de manœuvre : il a dit qu’entre 5000 et 7000 places verront le jour d’ici un an.

Est-ce que les toutes les places promises par le gouvernement seront créées d’ici les élections de l’automne 2022 ? « C’est une question hypothétique », et « on fera le bilan » au terme du mandat, s’est limité à répondre M. Lacombe. « On ne sera pas du tout gêné. »

Dès février 2019, le ministre promettait que des « exigences administratives ou de construction » seraient allégées, que le ministère ferait preuve de « gros bon sens » pour que les places se concrétisent dans le délai prescrit. Il était déjà bien au fait, comme plusieurs, de la lourdeur administrative. « Je n’aurai pas beaucoup de patience pour des projets qui ne se réalisent pas. Quand je parle de patience, je parle de patience envers le ministère et envers les projets. Si on est exigeant avec les gens qui font une demande de permis, il faut aussi être exigeant envers nous et être capable de livrer la marchandise », disait-il à La Presse à ce moment.

Dans les faits, les exigences du ministère ont été peu assouplies par la suite – si ce n’est la révision à la baisse, il y a un an, de la mise de fonds, de 50 % à 25 % des coûts de construction, exigée aux CPE – sauf exception.

Le mois dernier, Mathieu Lacombe a reconnu que les places promises en 2019 ne seront pas créées dans l’échéancier prévu de deux ans. Il a fait le constat que le système de développement de places ne fonctionne plus dans son ministère. Quiconque suit le moindrement le dossier sait, depuis des années, que la création d’un CPE est très complexe et que les retards s’accumulent.

L’Association québécoise des CPE s’est réjouie de l’annonce du ministre. « De longue date, l’AQCPE était convaincue que des changements pouvaient être faits sans avoir recours à des modifications législatives ou réglementaires. Sans que tout soit parfait, l’élagage des délais et étapes, la levée de certaines barrières financières et administratives et l’engagement dans un processus plus agile donnent espoir », a-t-elle indiqué par voie de communiqué.

Pour la présidente de l’Union des municipalités du Québec, Suzanne Roy, « en allégeant le processus de développement des places et en retirant la contribution financière du milieu, on envoie un message clair et positif. Au lieu de décourager les porteurs de projets, on les encourage à créer de nouvelles places ».

De son côté, l’opposition se fait très critique. « Grande nouvelle, [Mathieu Lacombe] nous annonce qu’il peut changer le processus administratif, comme ce qu’on s’évertuait à lui dire, ce que ça fait deux ans et demi qu’il aurait pu changer », a réagi la députée péquiste Véronique Hivon, qui parle d’un « aveu d’échec » de la part du ministre.

Pour Marc Tanguay, porte-parole libéral en matière de famille, le « bulletin » du ministre est une « catastrophe ». « C’est le bulletin de Mathieu Lacombe : 18 %. Paroles, paroles, paroles, des promesses… Il avait promis, en février 2019, 13 500 places, et il en a livré 18 % », a tonné l’élu.

Selon Christine Labrie, de Québec solidaire, « même avec des allègements bureaucratiques, il va y avoir un problème ». « Il y en a un, projet de CPE, par exemple, dans ma circonscription qui est en développement en ce moment. Quand on m’a montré l’écart qu’il y avait entre l’évaluation des coûts par l’entrepreneur et l’enveloppe prévue par le gouvernement, c’était pratiquement du simple au double. Je n’ai pas entendu le ministre nous dire qu’il allait aussi bonifier les enveloppes pour s’adapter à l’inflation majeure qu’il y a eu dans les coûts de la construction dans les dernières années », a affirmé la députée.

Il y a une pénurie de personnel dans le réseau des services de garde. Mathieu Lacombe promet de déposer bientôt un « plan de match » pour augmenter le nombre d’éducatrices et, en particulier, « stimuler les inscriptions » dans les programmes de formation au cégep.

Puis, cet automne, il présentera un projet de loi pour réformer le réseau des services de garde.