(Québec) Québec ajoutera 37 000 places subventionnées à son réseau de services de garde d’ici quatre ans, notamment en augmentant le maximum d’enfants par CPE et garderie. Mais il lui faudra 17 800 éducatrices de plus, en pleine période de pénurie. Un nouveau guichet d’accès à une place, géré par l’État, sera créé pour permettre aux parents de connaître le rang de leur enfant dans la liste d’attente.

« Enfin, on annonce les budgets nécessaires pour créer 37 500 qui va compléter le réseau à 100 %. […] C’est quelque chose, après 25 ans. Enfin arriver avec les budgets, pas juste des promesses électorales », a lancé le premier ministre François Legault, qui dévoilait jeudi en compagnie du ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, un plan d’action pour compléter le réseau des services de garde, réseau qui compte 283 000 places subventionnées ou non en date du 30 avril.

Ce plan ajoute 1,8 milliard de dollars en nouvelles mesures et s’échelonne sur quatre ans, donc au-delà de l’actuel mandat du gouvernement qui prendra fin dans un an. À terme, Québec ajoute 950 millions récurrent, à chaque année. Un gros montant qui en vaut la peine, selon M. Legault. Il s’agit du « meilleur investissement qu’on ne puisse pas faire pour l’avenir de nos enfants ».

C’est un « plancher » d’investissements, puisque Québec n’inclut pas le coût, inconnu pour le moment, des hausses salariales pour les éducatrices et de la bonification à venir du crédit d’impôt pour frais de garde destiné aux parents dont les enfants fréquentent une garderie privée non subventionnée.

Le ministre Lacombe a également déposé à l’Assemblée nationale le projet de loi 1 de la nouvelle session parlementaire qui modifie en profondeur les règles du jeu dans les services de garde. Il était nécessaire pour développer les places « au plus sacrant », a lancé François Legault. Le projet de loi fait sauter des verrous bureaucratiques qui ont été ajouté, explique-t-il, après l’affaire des garderies libérales.

Québec est même prêt à construire lui-même les garderies, quitte à les revendre par la suite, a expliqué le premier ministre. Le projet de loi indique en effet que le ministre « lance une invitation à lui soumettre un projet auprès de catégories de demandeurs ou de titulaires de permis. Cette invitation pourra préciser la participation du ministre dans le financement et la planification du projet de construction et celle de toute personne qu’il désigne, notamment dans la planification, la gestion ou la maîtrise du projet d’aménagement ou de construction ou encore dans la fourniture de l’installation ».

Les places d’ici 2025

D’ici 2024-2025, 37 000 places supplémentaires seront créées. Quelque 20 000 places sont en cours de réalisation en vertu d’appels de projets déjà conclus. Donc, les démarches pour l’ajout de 17 000 autres places seront lancées bientôt. Québec croit que ces 37 000 places permettront de rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande. Environ 50 000 enfants sont sur la liste d’attente selon le gouvernement – mais ce dénombrement est imparfait.

Pour rendre effectif le « droit » à une place subventionnée en service de garde inscrit dans la loi, le gouvernement aura désormais l’obligation de lancer, dans un délai de six mois, un appel de projets dans les territoires où un manque de places subventionnées est anticipé selon les projections. Le mécanisme d’évaluation des besoins est revu.

Québec fait passer de 80 à 100 le nombre maximal d’enfants que peut accueillir un CPE et une garderie privée dans une installation. Un CPE ou une garderie pourra accueillir jusqu’à 500 enfants dans différentes installations. Cette décision permettra en principe de créer des places rapidement. Les CPE n’auront également plus de limite quant au nombre d’installations qu’ils peuvent avoir.

Il y a la possibilité pour un CPE ou une garderie privée subventionnée « qui a entrepris certaines démarches afin de se doter d’une installation, d’être autorisé, à certaines conditions, à recevoir des enfants dans une installation temporaire ».

Pénurie d’éducatrices

Le réseau des services de garde est déjà en pénurie de personnel et Québec calcule qu’il lui faudra 17 800 éducatrices de plus afin de répondre à l’ajout de places, dont 14 000 éducatrices qualifiées. De nouvelles formations seront crées pour accélérer l’arrivée de personnel sur le marché du travail.

Québec entend poursuivre la conversion des garderies privées non subventionnées en garderies subventionnées. Québec a autorisé à la fin d’août la conversion de 25 garderies comptant un total de 1767 places. Quelque 1750 places non subventionnées supplémentaires devraient être transformées en places à contribution réduite l’an prochain. L’opération de conversion prendra bien du temps : en deux ans, seulement 5 % des 70 000 places auront été converties. Il y a 1200 garderies privées non subventionnées au Québec.

Dans ce contexte, comme La Presse le révélait lundi, le gouvernement va bonifier le crédit d’impôt pour frais de garde. Les détails seront annoncés dans le minibudget du ministre des Finances Eric Girard, attendu en novembre.

Québec veut pousser les quelque 9000 services de garde privés en milieu familial à intégrer le réseau subventionné. À l’heure actuelle, ces garderies n’ont pas besoin de permis du ministère de la Famille. L’État leur impose seulement quelques normes minimales de sécurité. Elles peuvent accueillir jusqu’à six enfants. Or, le projet de loi du ministre Lacombe abroge les règles actuelles. Il stipule maintenant que « nul ne peut, par lui-même ou par l’intermédiaire d’un tiers, offrir ou fournir des services de garde à un enfant […] en contrepartie d’une contribution, à moins d’être titulaire d’un permis de centre de la petite enfance ou de garderie ou d’être reconnu à titre de personne responsable d’un service de garde en milieu familial par un bureau coordonnateur de la garde en milieu familial agréé ». Il y a exception afin de permettre « à une personne physique de garder au plus deux enfants ou de garder uniquement des enfants habitant ordinairement ensemble » et on « autorise certains modes de garde occasionnelle ».

Le projet de loi comprend des mesures afin de maintenir les services en cas de fermeture immédiate ou prochaine d’une garderie.

Le guichet unique La Place 0-5 sera complètement revu d’ici deux ans et ne sera plus géré par la Coopérative Enfance Famille, un tiers. Il sera sous la responsabilité du ministère. Il faudra absolument s’inscrire au guichet pour obtenir une place. Tout parent pourra enfin connaître le rang de son enfant dans la liste d’attente pour chaque service de garde où celui-ci est inscrit.

« Un prestataire de services de garde ne peut admettre un enfant dans son installation ou dans son service de garde en milieu familial si l’enfant n’est pas préalablement inscrit au guichet unique », précise le projet de loi. On ajoute que « les enfants qui vivent dans des contextes de précarité socio-économique doivent être priorisés dans les politiques d’admission des prestataires de services de garde ».

D’ailleurs, Québec va fixer lui-même les principaux critères d’admission des CPE et des garderies. Ils ne pourront plus sélectionner les enfants sur la base de leurs propres critères – pouvoir qui en ce moment cause des aberrations et des injustices dénoncées par le Vérificateur général.

Québec a maintenant les moyens de ses ambitions en bonne partie grâce à l’entente sur les services de garde conclue avec le gouvernement Trudeau avant les élections générales. Cette entente prévoit le transfert sans condition de six milliards de dollars en cinq ans.