Des électeurs ont choisi dimanche qui les représentera au sein de leurs commissions scolaires, un geste que la majorité des Québécois ne peut plus faire depuis que la plupart des élus scolaires ont cédé leur place à des conseils d’administration. Plusieurs candidats ont été élus sans opposition et dans deux commissions scolaires anglophones, le taux de participation a fondu.

« Les élections scolaires ont été complètement détruites par les politiques du gouvernement du Québec. Normalement, on obtient au moins 20 % de taux de participation. [Dimanche], on a eu seulement 10 %. »

Commissaire scolaire à la commission scolaire English-Montréal (CSEM) élu dimanche pour la troisième fois, Julien Feldman tire à boulets rouges sur le gouvernement « antidémocratique » qui, dit-il, fait tout pour réduire le taux de participation aux élections.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Julien Feldman, élu de la commission scolaire English-Montréal

Le refus de Québec de tenir les élections scolaires à la même date que les élections municipales est une de ces « techniques de suppression du vote », estime M. Feldman.

Les relations sont tendues entre Québec et la CSEM. Au début du mois, la commission scolaire a publié un document controversé qui niait que le Québec forme une nation. Elle a par la suite admis une « erreur ». Entre-temps, François Legault avait affirmé que la commission scolaire était « un groupe radical ».

« On n’est pas des radicaux, on est des démocrates », rétorque Julien Feldman.

3,27 % au nord de Montréal

Le taux de participation est encore plus famélique à la commission scolaire Sir-Wilfrid-Laurier, au nord de Montréal. Seuls 3,27 % des électeurs se sont prévalus de leur droit de vote. En 2014, le taux de participation était de près de 15 %.

Élu pour un deuxième mandat à titre de président de la commission scolaire Sir-Wilfrid-Laurier, Paolo Galati rappelle néanmoins en entrevue le principe du « no taxation without representation » (pas d’imposition sans représentation). Les neuf commissaires scolaires qui l’entourent ont été élus sans opposition.

La pandémie a découragé les candidats potentiels de se présenter, croit Paolo Galati, qui ajoute que l’exercice démocratique reste intact. « Le choix est là : il y a du monde qui peut se présenter », dit-il.

Dimanche, seuls trois sièges étaient soumis au vote populaire dans les commissions scolaires anglophones, les autres candidats ayant été élus par acclamation.

« Centralisation » chez les francophones

Les commissions scolaires francophones ont été abolies en février 2020, tout juste avant que la COVID-19 n’éclipse tout autre sujet dans l’espace public.

Les centres de services scolaires ont maintenant un conseil d’administration de 15 membres composé en parts égales de parents, de personnel scolaire et de représentants de la communauté. Ils sont bénévoles.

Au Centre de services scolaire de Montréal, des tensions ont mené à la démission de plusieurs membres du conseil d’administration, si bien que le centre de services a dû être mis sous tutelle en juin dernier.

Un coup de sonde fait par La Presse auprès de tous les centres de services scolaires montre que dans la plupart d’entre eux, les démissions de membres ont été rares depuis le changement de gouvernance.

N’empêche, la disparition des élus a mené à une « centralisation beaucoup plus grande », dit Jean Bernatchez, professeur de sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Rimouski.

Il n’y a plus personne dans les centres de services scolaires qui s’exprime dans l’espace public. Les directeurs généraux seraient autorisés à le faire, mais ils ne le font absolument pas, parce qu’ils ont un devoir de loyauté par rapport à leur employeur, par rapport au ministre de l’Éducation.

Jean Bernatchez, professeur de sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Rimouski

Les francophones ont-ils perdu au change avec la disparition de leurs élus scolaires ? « Oh oui », dit Paolo Galati, président de la commission scolaire Sir-Wilfrid-Laurier. Il cite en exemple l’achat de purificateurs d’air, que plusieurs commissions scolaires anglophones ont acquis sans attendre l’aval de Québec.

« On a pris cette décision par l’entremise du conseil des commissaires. Des gens des centres de services m’ont appelé pour me dire qu’ils étaient jaloux, ils ne pouvaient pas le faire », relate M. Galati.

Jean Bernatchez a siégé pendant quelques mois au conseil d’administration d’un centre de services scolaire. Il dit avoir eu l’impression de très peu participer à la prise de décision.

« C’était des choses qui étaient toutes ficelées et, dans 99,9 % des cas, les administrateurs n’ont pas le choix de dire oui, parce que c’est préparé par des gens qui connaissent leur affaire et qui ont une certaine expertise », relate-t-il.

Il croit néanmoins qu’il est prématuré de porter un jugement sur la nouvelle gouvernance scolaire.

« L’ancien système était relativement peu efficace, le nouveau système ne l’est pas davantage, mais il y a des personnes qui ont l’impression d’avoir perdu une forme d’influence. Je pense qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Certaines choses peuvent s’avérer intéressantes, d’autres le sont beaucoup moins », dit M. Bernatchez.

Avec William Leclerc, La Presse

En chiffres

16,88 %

Taux de participation aux élections de novembre 2014 dans les commissions scolaires anglophones

Source : Directeur général des élections du Québec

45,5 millions

Somme que la Coalition avenir Québec estimait économiser en quatre ans avec l’abolition des élections scolaires et des postes rémunérés d’élus