(Montréal) Des enfants se retrouvent cette année sans transport scolaire parce qu’à certains endroits, on a décidé de ne l’offrir que pour une adresse, laissant ainsi les enfants dont les parents sont séparés sans service la moitié du temps. Les parents doivent en conséquence choisir lequel des deux aura droit au service. Et l’autre ? Il doit s’arranger.

Les trois enfants d’Éloïse fréquentent l’école secondaire de Saint-Jérôme, située à une vingtaine de kilomètres de chez elle. À quelques jours de la rentrée, elle se demande encore comment ils se rendront à l’école les semaines où ils sont sous sa garde. Son horaire de travail n’offre aucune flexibilité.

La mère a appris il y a quelques semaines que le Centre de services scolaire de la Rivière-du-Nord (CSSRDN) offre le service de transport scolaire à l’adresse principale à laquelle est inscrit un élève. Or, à l’instar de nombreux autres au Québec, ses enfants ont deux adresses principales.

« Je fais quoi ? Je lâche mon travail ? J’abdique à l’idée de voir mes enfants ? », demande cette mère qui craint que ses enfants soient ciblés si elle parle ouvertement à un média.

Le CSSRDN explique avoir fait ce choix parce qu’il lui est impossible de transporter tous les élèves en raison du ratio de passagers, passé de 77 à 44 dans les autobus à cause de la pandémie. Elle n’a pu nous dire combien de familles étaient touchées par cette nouvelle politique de transport scolaire.

« C’est un choix déchirant, mais les nombreuses contraintes auxquelles nous sommes confrontés ne nous laissaient pas le choix », a expliqué par courriel la responsable des communications du CSSRDN, Nadyne Brochu.

C’est aussi ce que s’est fait dire Éloïse quand elle a multiplié les démarches auprès du centre de services scolaire, allant même jusqu’à interpeller le protecteur de l’élève.

« On me dit : avez-vous de la famille proche, des connaissances ? J’ai mes parents, qui sont des grands-parents super dévoués, mais ils travaillent eux aussi. Je n’ai pas de voisine à la retraite qui a le goût de faire ça », ironise la mère.

C’est aussi le cas de Catherine, enseignante au Centre de services scolaire de la Rivière-du-Nord. Impossible pour elle et pour son ex-conjoint, souvent appelé à être à son travail tôt le matin, d’assurer le transport de leur fils à son école secondaire. « Ça représente un grand stress à la veille de la rentrée », dit la femme qui a préféré rester anonyme parce qu’elle dénonce une décision de son employeur.

Un service complémentaire

L’histoire se répète sur la Rive-Sud de Montréal. Jean-François a appris récemment qu’il devra transporter son enfant à son école secondaire matin et soir les semaines où il en a la garde.

« On ne nous offre pas de solution, à part la voie facile. On nous dit : les parents, soyez créatifs. Pourtant, on paie le compte scolaire en double », dit le père, qui craint que son cas ne se règle jamais s’il témoigne dans un média.

Aller chercher un enfant à une deuxième adresse est un « service complémentaire », explique le Centre de services scolaire des Patriotes (CSSDP).

Nous ne mettons pas en place deux parcours d’autobus différents pour les élèves en situation de garde partagée. L’adresse complémentaire était desservie à trois conditions : que l’élève soit admissible au transport scolaire par cette adresse, qu’il y ait un parcours existant circulant à proximité de l’adresse et qu’il y ait de la place disponible dans l’autobus.

Lyne Arcand, porte-parole du Centre de services scolaire des Patriotes

Elle ajoute que près de 1000 élèves au secondaire et un peu moins de 100 élèves au primaire sont touchés par les nouvelles règles.

Le président du comité de parents du CSSDP dit n’avoir eu aucun écho de parents mécontents, mais reconnaît que « ce n’est pas le monde idéal ». « J’ai participé à des rencontres avec la direction générale à ce sujet. Il y avait quelques solutions mises sur la table, mais il fallait y aller avec ce qui pouvait être fait », dit Normand Boisclair.

Il croit que l’espoir des parents réside dans les places qui pourraient être disponibles plus tard cet automne, mais rappelle que le centre de services a la seule obligation d’offrir le transport à l’adresse principale.

À Saint-Jérôme, Éloïse ne sait toujours pas comment elle fera pour amener à l’école ses trois enfants qui commencent lundi. « Heureusement, c’est la semaine où ils sont chez leur père, donc ça me donne une semaine de plus pour y penser. Je m’accroche à l’espoir qu’ils se rétractent », dit la mère.