Pour nombre d’élèves de la grande région montréalaise, l’école à distance a officiellement recommencé mardi. Pour éviter que des jeunes ne soient laissés sans équipement informatique, l’équipe de l’école secondaire Lucien-Pagé a entrepris de faire elle-même la collecte d’ordinateurs.

Ismaël Seck enseigne en adaptation scolaire à cette école située à la lisière du quartier Villeray. « La majorité de mes élèves viennent de Parc-Extension. C’est l’un des quartiers les plus pauvres au Québec, sinon au Canada, et ça fait en sorte que beaucoup n’ont pas les outils informatiques pour faire l’éducation à distance », dit-il.

Les élèves ont beau presque tous avoir un téléphone cellulaire, c’est loin d’être l’idéal pour faire des travaux scolaires. L’équipe de l’école s’est donc donné comme mission de trouver 200 ordinateurs pour équiper ceux qui n’en ont pas.

À la fin d’avril, Québec a annoncé avoir conclu une entente avec Apple pour fournir 15 000 tablettes aux élèves qui auraient besoin d’un tel équipement. Or, elles sont aux abonnés absents à l’école Lucien-Pagé, où l’enseignement à distance a pourtant bel et bien commencé.

« Pour des raisons qui nous échappent, elles ne se rendent pas jusqu’à nous. C’est vraiment frustrant. Dans l’école, on avait seulement 35 ordinateurs à prêter », déplore Ismaël Seck. Dans sa seule classe, par exemple, 10 élèves en ont demandé un. « J’ai compris que le mieux que je pouvais espérer, c’était un ou deux ordinateurs », dit l’enseignant.

Il y a plus de 1300 élèves à l’école Lucien-Pagé. L’équipe qui les côtoie habituellement a pris les choses en main en faisant un appel aux dons d’équipement technologique.

On a un devoir de donner les moyens aux jeunes de poursuivre leurs études. On ne devrait pas avoir à choisir quel élève va avoir accès à un ordinateur ou pas. J’étais profondément mal à l’aise avec ça.

Ismaël Seck, professeur en adaptation scolaire

Au départ, l’enseignant faisait une partie de la cueillette de dons à vélo, mais son appel sur les réseaux sociaux a très bien été entendu et les dons se sont multipliés. « Ç’a pris des proportions étonnantes », dit celui qui voit là un « espoir » dans la crise actuelle.

Les ordinateurs recueillis sont remis en état par un groupe d’élèves de l’école qui font partie de la coopérative « Les gardiens de la tech », mise sur pied en 2016. Ces jeunes ont été formés pour réparer des ordinateurs qui étaient revendus à prix modique à la communauté de Parc-Extension.

« Les élèves sont capables de changer l’alimentation, le disque dur, de travailler la carte mère, ils font un travail de technicien informatique et livrent des ordinateurs qui marchent bien », énumère le directeur adjoint de l’école Lucien-Pagé, Yacine Belhadj, qui a obtenu l’autorisation de faire travailler environ cinq élèves dans les locaux de l’école.

Déjà, une cinquantaine d’ordinateurs sont prêts à être livrés. Mercredi, des élèves viendront les récupérer à l’école et ils seront formés à leur utilisation par leurs collègues de classe.

Le deuil des tablettes

« On ne se contera pas de menteries, les tablettes, c’est pas parti pour arriver », dit Yacine Belhadj.

La Commission scolaire de Montréal (CSDM) nous a souligné mardi qu’elle continuait de « recenser les besoins pour chaque école ».

Le cabinet du ministre de l’Éducation indique qu’à l’heure actuelle, plus de 4300 tablettes sur les 15 000 offertes ont été commandées dans l’ensemble de la province. Une fois qu’elles sont commandées, il faut compter de sept à dix jours pour la livraison aux commissions scolaires, qui les redistribuent aux écoles, qui les remettent elles-mêmes aux élèves.

« Le réseau scolaire dispose déjà de plusieurs milliers d’outils technologiques, portables et tablettes, qui ont été ou seront prêtés aux élèves », a écrit l’attaché de presse du ministre Jean-François Roberge, Francis Bouchard.

Selon un tableau fourni par le cabinet du ministre, la CSDM n’a commandé aucune tablette à ce jour. C’est la Commission scolaire de Laval qui en a demandé le plus, soit 545, suivie de la Commission scolaire Marie-Victorin en Montérégie (450) et de la Commission scolaire des Samares, dans Lanaudière (433).