Une école ouverte sur son quartier, entourée d’espaces verts, d’une place publique et, surtout, baignée de lumière naturelle. Il y a deux ans, une équipe de l’Université de Montréal a élaboré des propositions d’aménagement pour l’école Louis-Joseph-Papineau du quartier Saint-Michel, surnommée « le bunker ». Un projet qui n’a jamais eu de suite.

Le projet « L’école et la ville » s’est attardé en 2018 à trois écoles de la Commission scolaire de Montréal (CSDM). Parmi celles-ci figurait l’école secondaire Louis-Joseph-Papineau qui, comme l’a rapporté La Presse mercredi, est l’objet d’une pétition pour qu’on la dote de fenêtres.

Des étudiants à la maîtrise ont travaillé pendant trois mois sur des propositions d’aménagement. « C’est notre rôle comme université d’aider les collectivités locales, de s’investir et de donner une partie de notre temps à des organismes, à des villes. C’est dans cet esprit-là qu’on l’a fait », explique Philippe Poullaouec-Gonidec, titulaire de la Chaire UNESCO en paysage urbain de l’Université de Montréal.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Philippe Poullaouec-Gonidec, titulaire de la Chaire UNESCO en paysage urbain, devant les plans d’aménagement réalisés par deux de ses étudiantes en 2018

La CSDM était dans le coup et a permis aux chercheurs d’entrer à l’école et de parler avec les élèves et le personnel dans le cadre de leurs travaux.

Le constat a été dur pour ce bâtiment construit dans les années 70. « Il n’y a pas seulement les fenêtres. C’est un milieu très banal, la cour d’école est triste à mourir. Il y a un contraste immense entre l’école privée située à côté, un milieu ouvert avec de grands arbres, et l’école publique », dit Patrick Marmen, chercheur à la Chaire UNESCO en paysage et environnement.

Les étudiants se sont donc mis au travail. Dans le projet d’aménagement qui a le plus retenu l’attention, les deux étudiantes ont notamment proposé « une cour qui n’est pas seulement de la garnotte ou de l’asphalte ».

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le plan conçu par les étudiantes de l’Université de Montréal prévoyait une agora extérieure, des jardins et beaucoup de verdure.

« Cette école, c’est une boîte. En ouvrant et en allant faire de la lumière sur le toit et sur le côté, on va ouvrir pour avoir une école extérieure, avec des jardins qui permettent aux élèves d’expérimenter la belle saison », dit Philippe Poullaouec-Gonidec en montrant les plans d’aménagement réalisés par les étudiantes. Terrains de sport, agora, jardins publics : les idées ne manquaient pas.

Fait à noter, en dépit de leur milieu, les élèves ont décrit aux chercheurs leur école secondaire en des termes chaleureux, « fierté, sport, végétation, extérieur, vie scolaire » figurant au nombre des mots utilisés pour en parler.

« C’est une école qui a eu beaucoup d’initiative. Les murales, les expressions de couleur, la peinture qui égaie, ils l’ont fait. Ils sont rendus à investir dans le dur. Et oui, ça coûte de l’argent ; oui, il faut percer dans le mur ; oui, il risque d’y avoir de l’amiante et des moisissures », dit Patrick Marmen.

Un projet resté « lettre morte »

Les étudiants de l’Université de Montréal ont présenté leurs propositions à la CSDM, rappelle Philippe Poullaouec-Gonidec. « Pour nous, c’était une occasion de dire qu’on allait de l’avant. On aurait aimé faire une exposition des projets à la commission scolaire, mais c’était compliqué et ça n’a pas eu lieu. C’est resté lettre morte, poursuit-il. Ces étudiants sont pourtant la relève d’aujourd’hui en architecture et en aménagement. »

L’équipe aurait également voulu produire un cahier des charges tiré de ces travaux. Cette synthèse aurait pu servir à un éventuel appel d’offres public pour les trois écoles étudiées, mais le professeur explique que, cette fois, c’est le ministère de l’Éducation qui a refusé de financer les 19 000 $ qui auraient été nécessaires pour le produire. 

C’est dommage qu’il n’y ait pas eu de suite.

Philippe Poullaouec-Gonidec, titulaire de la Chaire UNESCO en paysage urbain

La Commission scolaire de Montréal n’a pas répondu à nos demandes d’entrevue, mercredi. Questionné pour savoir s’il y avait eu une suite aux travaux de l’Université de Montréal, le porte-parole nous a écrit que « c’était seulement des maquettes et dessins sans aucun plan précis ».

La complexité du financement au ministère de l’Éducation pour les rénovations d’écoles n’a certainement pas aidé à faire avancer les choses, croient les chercheurs. Ce qui n’enlève rien, selon eux, à l’urgence d’intervenir à l’école Louis-Joseph-Papineau.

« C’est inacceptable de vivre dans un bâtiment sans fenêtre. Est-ce que c’est acceptable ? Est-ce que moi, je l’accepterais ? », se demande Patrick Marmen. « C’est abrutissant. C’est épouvantable. Pour moi, c’est une situation d’urgence », renchérit son collègue Philippe Poullaouec-Gonidec.

Pourquoi une école sans fenêtres ?

Comme de nombreuses autres polyvalentes de la province, l’école Louis-Joseph-Papineau a été construite au début des années 70. « L’école est le reflet de la vision qu’on a de la pédagogie. C’était une philosophie d’éducation qui disait que, pour avoir une qualité de projection sur un tableau, ça prenait un noir total », explique Patrick Marmen. L’équipe de l’Université de Montréal a trouvé peu de documentation sur les intentions des architectes de cette école montréalaise, mais de manière générale, l’absence de fenêtres donnait à l’époque l’« impression qu’on pourrait parfaitement contrôler toutes les conditions climatiques à l’intérieur du bâtiment », dit le chercheur.

La CSDM et le Ministère se renvoient la balle

Le cabinet du ministre de l’Éducation estime que la situation à l’école Louis-Joseph-Papineau a « assez duré » et « urge la CSDM de déposer sans attendre une demande pour cette école, pour que le projet puisse enfin aller de l’avant ». Sur sa page Facebook, l’équipe à la tête de la CSDM, le MEMO, a quant à elle fait valoir au ministre que la demande de financement pour la réfection de cette école se trouvait déjà « dans le plan d’investissement 2019-2024 » de la commission scolaire.

— Avec Hugo Pilon-Larose, La Presse