La fin chaotique de la session du printemps et la perspective de suivre presque tous les cours en ligne n’ont pas refroidi les cégépiens jusqu’ici. Selon un coup de sonde mené par La Presse auprès d’une dizaine de cégeps de la province, les inscriptions se maintiennent et le taux d’abandon des cours est moindre que l’an dernier.

Les cégépiens allaient-ils revenir sur les campus ou, plus précisément, derrière leurs écrans ? La crainte que nombre d’entre eux choisissent de ne pas se réinscrire à l’école en raison des conditions d’études ne semble pas s’être concrétisée.

« Il y avait beaucoup d’inquiétude, mais il n’y a pas d’indication qu’il y ait une saignée ou des départs massifs au cégep. Je pense que si on s’assure de faire un suivi avec nos étudiants, qu’on leur offre un certain filet, on peut sauver la mise. Je n’étais pas pessimiste, mais j’étais soucieux », dit Sylvain Lambert, directeur général du cégep Édouard-Montpetit, à Longueuil.

Les élèves des cégeps de la province avaient jusqu’à la semaine dernière pour abandonner un cours sans mention au bulletin. Au cégep Édouard-Montpetit, les inscriptions à la session d’automne 2020 se comparent à celles de l’an dernier, et à environ 2 %, le taux d’abandon de cours a même légèrement baissé.

Je me dis qu’en ce moment, probablement que les étudiants qui envisagent de quitter les études se disent : « pour faire quoi ? » C’est un bon moment pour être aux études et compléter son bagage de connaissances.

Sylvain Lambert, directeur général du cégep Édouard-Montpetit

Au cégep de Saint-Jérôme, les abandons de cours ont diminué de 28,5 % par rapport à l’automne dernier.

« La pandémie battant toujours son plein, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur les raisons qui justifient ces statistiques, mais force est de constater qu’il y a présentement un fort engouement pour la formation collégiale », note la porte-parole du cégep de Saint-Jérôme, Daphnée Tranchemontagne.

Au cégep de Trois-Rivières, on indique que le taux d’abandon n’est « pas plus significatif » que l’an dernier et que les raisons invoquées par les élèves pour annuler un cours sont les mêmes que les années précédentes.

La tendance à la baisse des abandons de cours se vérifie également au cégep du Vieux-Montréal, au cégep de Granby, au collège Lionel-Groulx, au collège de Maisonneuve, au Cégep régional de Lanaudière et au collège Montmorency. Au cégep de Lévis, on note que les abandons sont légèrement en hausse, mais que les inscriptions le sont aussi.

Des inquiétudes pour la suite

Les inquiétudes pour les élèves qui font leur session en ligne n’en sont pas moins dissipées. La logistique de faire l’école à distance pose problème, dit Noémie Veilleux, présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ).

« D’un cours à un autre, d’un enseignant à un autre, il y a des logiciels qui sont utilisés qui sont différents. Il y a des logiciels pour faire l’enseignement à distance, des logiciels pour déposer les travaux, des boîtes de messagerie », illustre-t-elle.

Certains programmes n’offrent aucun cours en personne, note aussi la présidente de la FECQ.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

C’est difficile de créer un lien de confiance et un sentiment d’investissement dans les études.

Noémie Veilleux, présidente de la FECQ

Au collège de Maisonneuve, on a entrepris d’appeler chacun des 5800 élèves pour prendre de leurs nouvelles. Une quarantaine de personnes sont affectées à la tâche.

Le directeur général du cégep Édouard-Montpetit reconnaît que malgré les mesures mises en place pour faciliter la vie des cégépiens, la situation demeure « fragile ». « Il y a encore des préoccupations. On l’entend, ce n’est pas facile pour les étudiants », dit Sylvain Lambert. Il est plus facile de retenir les élèves qui sont entrés au cégep que d’aller chercher ceux qui ont déserté, rappelle-t-il toutefois.

Mention « incomplet »

Il faudra également surveiller au cours des prochaines semaines combien d’élèves choisiront d’opter pour une mention « incomplet » sur leur relevé de notes. « On entrevoit que des personnes vont être épuisées en cours de session et vont demander des incomplets dans quelques-uns de leurs cours pour pouvoir terminer », dit la présidente de la FECQ, Noémie Veilleux.

Cette mention sera « plus facile » à obtenir que dans le passé, mais au cégep Édouard-Montpetit, on n’en fait pas « la promotion ». « L’étudiant doit faire la démonstration qu’il a été touché par la COVID-19, mais ça ne prend pas un billet du médecin », explique son directeur général Sylvain Lambert, qui explique que la mention « incomplet » n’est pas pour autant simple à obtenir.

La FECQ mène présentement une enquête auprès des élèves pour connaître leurs préoccupations. « On veut savoir ce qui se passe derrière l’écran des étudiants », dit sa présidente Noémie Veilleux.

Déjà, dit-elle, des réponses qui arrivent à la Fédération témoignent d’une certaine solitude. « C’est parfois déchirant. “Le cégep me manque. Les quatre murs me manquent, ce n’est pas pareil.” On reçoit beaucoup de messages d’étudiants qui s’ennuient d’aller à l’école », conclut Mme Veilleux.