(Québec) Un premier ministre Sylvain Gaudreault voudrait « casser le cercle vicieux » : il resserrerait progressivement le robinet du financement des cégeps anglophones, mais n’imposerait pas la loi 101 au réseau collégial.

La Presse Canadienne a obtenu jeudi le volet linguistique du programme du candidat à la direction du Parti québécois (PQ) — un volet incontournable pour quiconque songe à diriger la formation indépendantiste. Le député de Jonquière veut revoir de fond en comble la loi 101 pour en faire une vraie Charte et renforcer les obligations de la Ville de Montréal dans la défense du français.

Actuellement les cégeps anglophones reçoivent davantage de financement en proportion que le poids démographique de la communauté historique de langue anglaise, parce qu’un nombre croissant de francophones et d’allophones s’y inscrivent.

Une « spirale »

En effet, plus d’élèves permettent d’avoir plus de financement, et plus de financement permet d’attirer plus d’élèves. « Cette spirale va continuellement augmenter, a déploré M. Gaudreault, en entrevue téléphonique jeudi midi. Mon objectif, c’est de casser le cercle vicieux. »

S’il est élu chef du PQ en octobre, puis premier ministre en 2022, il s’attellerait à casser cette logique de financement des cégeps anglophones, mais il étalerait les compressions sur plusieurs années.

« On pourrait le faire progressivement, parce que je comprends qu’il va y avoir un choc », a-t-il dit en entrevue téléphonique, en donnant l’exemple du collège Dawson à Montréal, où selon lui peut-être les deux tiers de la clientèle ne sont pas issus de la minorité historique de langue maternelle anglaise.

Toutefois, M. Gaudreault n’imposerait pas les dispositions de la loi 101 aux cégeps, sous le motif qu’il s’agit d’étudiants adultes qui peuvent faire librement un choix.

Ainsi, les francophones ne seraient pas tenus de fréquenter un cégep de langue française, pas plus que les anglophones ne seraient forcés de fréquenter un cégep anglais.

Montréal

En outre, s’il dirige un gouvernement péquiste en 2022, M. Gaudreault voudrait responsabiliser la Ville de Montréal sur l’enjeu linguistique, considérant que le français encaisse un recul dans l’espace public, selon les dernières données.

Il exigerait que la Ville intègre dans son plan stratégique la défense et la promotion du français, puisque cela n’y figure pas actuellement. Et en contrepartie, la Ville serait soumise à une reddition de comptes.

« Les élus municipaux devraient être contents. C’est ce qu’ils veulent, plus de pouvoirs. Bon, on va leur en donner en matière linguistique, sauf qu’ils auront des comptes à rendre. »

Loi 101 : une Charte

Par ailleurs, pour couronner tous ses efforts sur le plan linguistique, un éventuel gouvernement Gaudreault réviserait de fond en comble la loi 101 pour en faire une véritable « Charte », c’est-à-dire un texte législatif qui surplomberait toutes les autres lois, un peu comme la Charte des droits et libertés du Québec.

Ce statut de Charte serait intégré dans les dispositions préliminaires de l’éventuelle loi et permettrait d’interpréter toutes les autres lois de manière à garantir la prééminence du français.

L’idée de faire de la loi 101 une véritable Charte était une recommandation des États généraux de la langue française tenus au début des années 2000. Stéphane Éthier, qui a œuvré sur ces instances, a fait valoir que conférer un statut de Charte à la loi 101 permettrait de la dépolitiser et de renforcer l’idée d’une langue commune.

« On voyait ça comme un outil d’égalité, le patrimoine commun de tous les Québécois », a-t-il commenté en entrevue.

Selon lui, il est tout aussi important aujourd’hui d’atteindre cet objectif qu’au début des années 2000, mais s’explique mal pourquoi aucun parti n’a pas entrepris ce chantier. « C’est peut-être parce que tout ce à quoi on accole le mot “constitution”, c’est soit considéré comme ennuyeux ou explosif. »