Des cas de COVID-19 ont un peu terni la rentrée scolaire de dizaines de milliers d’enfants du Grand Montréal, ravis de retrouver leurs amis. La Presse a assisté au retour en classe d’élèves du primaire et du secondaire où il y avait plus de joie que d’inquiétude.

L’optimisme avait beau être de mise chez les enfants et les parents pour la rentrée scolaire, qui s’est déroulée dans plusieurs écoles de la grande région de Montréal jeudi, reste que des cas de COVID-19 ont ravivé l’inquiétude chez certains.

Le ministre de l’Éducation du Québec, Jean-François Roberge, a dit jeudi avoir visité plusieurs écoles en vue de la rentrée scolaire. « Ce qu’on me dit, c’est que ce n’est pas parfait, mais ça va bien. Les gens sont heureux, sont souriants », a-t-il déclaré en marge d’une visite dans une école primaire de Repentigny.

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Des parents assistent à la rentrée des élèves de l’école Philippe-Labarre, dans le quartier Tétreaultville, à Montréal.

La Fédération autonome de l’enseignement (FAE), l’un des plus importants syndicats enseignants de la province, a fait entendre un autre son de cloche. Un sondage mené auprès de 3800 de ses membres indique que près de 70 % d’entre eux ne font pas confiance au plan sanitaire mis en place par Québec. Un enseignant sur deux aurait préféré une présence alternée des élèves dans les écoles.

Que craignent les enseignants, au juste ? « Est-ce qu’on nous dit tout ce qu’on doit savoir ? Pourquoi une règle s’applique et, à un moment donné, on change la règle ? Il faut expliquer les changements et ne pas chercher à minimiser les craintes, parce que ce sont [les enseignants] qui doivent répondre aux craintes des enfants et des parents », explique le président de la FAE, Sylvain Mallette.

Déjà des cas

Jeudi matin, le Collège français de Longueuil a appelé la Santé publique après avoir appris que le parent d’un élève de 1re secondaire présent en classe avait été déclaré positif à la COVID-19. « On nous a dit que ce serait « plus prudent » de renvoyer les élèves à la maison en attendant d’autres consignes », a dit la directrice, Chantal Dubé. Or, l’appel de la Santé publique n’est venu qu’après la médiatisation de l’affaire.

La directrice souhaite-t-elle que son cas montre l’importance d’une réponse rapide de la Santé publique ? « Si je vis un autre cas comme ça, je veux des consignes claires et des réponses à mes questions », a déclaré Chantal Dubé, laconique, à La Presse.

Le directeur national de santé publique, le DHoracio Arruda, a quant à lui estimé qu’on « n’arrêtera pas l’éducation » chaque fois qu’un cas survient, particulièrement chez un parent.

Chaque fois qu’il y aura un cas dans une école, premièrement, on va informer les parents. Et si jamais il y a quelque chose à faire par rapport à votre enfant, vous allez recevoir une communication.

Le DHoracio Arruda, directeur national de santé publique

Dans trois écoles du Centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île, dans l’est de Montréal, des parents ont appris le jour de la rentrée qu’il y avait eu des cas de COVID-19 chez des enseignants ou des membres du personnel. La polyvalente de Deux-Montagnes aurait aussi un cas parmi son personnel.

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a appelé à « laisser quelques heures » aux écoles, le temps de diffuser l’information.

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Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation

« Il ne faut pas créer un climat de panique, a-t-il ajouté. Ce qui alimente la peur, c’est quand les gens pensent qu’on cache des choses. Les mesures sanitaires sont transparentes et, quand il y a un cas, on ne le cache pas. »

Le ministre a par ailleurs détaillé la manière dont son gouvernement entend dépenser les quelque 430 millions qu’il recevra du fédéral pour les écoles. Cet argent servira à améliorer le transport scolaire, mais aussi à acheter du matériel de protection, par exemple du plexiglas, parfois demandé par les enseignants, a-t-il illustré. On pourra aussi s’en servir en cas d’urgence, par exemple pour des « opérations nettoyage » dans les écoles où des cas de COVID-19 surviendraient.

Exemptions de travail

Au Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), le personnel était au rendez-vous. Seulement 4 % des enseignants ont été exemptés de se présenter au travail pour des raisons de santé en lien avec la COVID-19. Cela représente 379 des 9000 enseignants.

Que feront-ils ? Ce n’est pas encore clair. Un petit nombre d’entre eux, de 15 à 20, offriront des cours à distance aux enfants qui ne peuvent se présenter en classe. Pour ce qui est des autres, la réponse viendra plus tard, a dit Robert Gendron, directeur général du CSSDM, qui a assisté jeudi au retour en classe des enfants de l’école primaire Philippe-Labarre, à Tétreaultville.

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Robert Gendron, directeur général du CSSDM

On va voir comment on peut les affecter à d’autres tâches. On a placé ça dans une deuxième vague. Pour l’instant, on s’occupe plus de l’organisation scolaire.

Robert Gendron, directeur général du CSSDM

Le nombre d’élèves exemptés de présence en classe est encore plus faible que celui des enseignants. À peine 75 des 77 500 enfants qui fréquentent une école du CSSDM ont obtenu un billet du médecin.

Une école virtuelle sera mise sur pied dès lundi à leur intention. Des enseignants qui ne pourront être en classe pour des raisons de santé leur enseigneront à distance.

Cette école servira de laboratoire pour mieux se préparer à une éventuelle deuxième vague. Robert Gendron assure que les directions d’école ont élaboré un plan d’urgence pour basculer rapidement en ligne. Il y aura un bloc d’enseignement de trois heures par jour. Par la suite, l’enseignant devra être disponible pendant deux heures pour offrir de l’aide individuelle.

« C’est un peu ça qui va se passer dans les écoles virtuelles. Donc, on va se pratiquer et on pourra après ça le faire si jamais on doit fermer. C’est de cette façon-là que les plans vont fonctionner », a-t-il expliqué.

Fenêtres ouvertes

Pour ce qui est des écoles dont les fenêtres ne s’ouvrent pas ou qui n’ont pas de système de ventilation mécanique, dont La Presse a fait état la semaine dernière, le directeur assure que la situation a été prise au sérieux.

« On s’est assurés que toutes les fenêtres pouvaient ouvrir là où il n’y a pas de ventilation. Si jamais il y en avait qui ne fonctionnaient pas, on a des équipes pour aller faire des réparations. Et s’il le faut, on donnera des contrats. Mais l’idée, c’est qu’il faut que les fenêtres puissent ouvrir. Et les systèmes de ventilation ont été calibrés pour avoir un échange d’air qui va être le plus grand possible. »

Enseignants recherchés

Du côté des enseignants, le CSSDM en recherche encore 200. Il y a quelques jours, le nombre de postes vacants s’élevait à 500.

« On va sûrement avoir des classes qui n’auront pas encore de prof dans les prochaines semaines, a admis M. Gendron. On va travailler avec le concept d’enseignants non légalement qualifiés, c’est-à-dire des gens qui ont des diplômes qui ne sont pas nécessairement en éducation, mais qui sont capables d’enseigner, et on va les soutenir. »

Le directeur compare la situation au marché immobilier. « Quand on est un marché d’acheteurs, il y a des maisons qui peuvent rester en vente longtemps », note-t-il.

En ce moment, les profs magasinent leur poste, plus près de la maison pour certains ou tel type d’école pour d’autres. Il y en a beaucoup qui attendent au début de l’année et qui répondent non. C’est un peu un jeu de dominos.

Robert Gendron, directeur général du CSSDM

Les enseignants miseront dans un premier temps sur les savoirs essentiels pour rattraper le temps perdu à la fin de la dernière année scolaire. Les professionnels ne seront pas plus nombreux que l’an passé au CSSDM, même si les besoins sont plus grands. Cependant, ils n’auront pas à s’acquitter de certaines démarches administratives, ce qui devrait leur permettre de consacrer « 50 % plus de temps à aider des élèves », croit M. Gendron.

« La notion de retard est quand même un peu particulière parce qu’on est en retard quand les autres ont avancé, fait-il remarquer. Mais là, personne n’a avancé. Donc, sommes-nous vraiment en retard ? Quelque part, tout le monde a vécu le même retard. C’est sûr que des élèves vont avoir plus de difficulté. »

— Avec Henri Ouellette-Vézina, La Presse

Beaucoup de câlins et quelques craintes

Dans chaque école et pour chaque élève, la rentrée a été vécue bien différemment. Aperçu de la journée en photos.

« La vie doit recommencer »

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Dans la cour de l’école Saint-François Solano, à Montréal, Pitchou Bila ajuste le masque de sa fille Theresa, 11 ans. « C’est très important pour les enfants de reprendre ce contact social. Oui, la vie a changé, mais avec des barrières comme le masque, on peut rester amis », lance celui qui a travaillé au front comme infirmier tout au long de la première vague de la pandémie. « La vie doit recommencer. Avec toutes ces précautions, on va s’en sortir tranquillement, il faut juste tenir le coup. »

Bulle éclatée

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Quand Malika Mompoint-Lescault est arrivée à l’école Alpha, à Rosemère, ses amies ont accouru pour l’enlacer. « Le concept des bulles-classes me sécurise beaucoup, mais en se voyant ce matin, le réflexe des enfants a été de se faire un gros câlin. On n’a pas eu le temps de rien dire », a raconté Dany Lescault, sur un ton amusé. Le père de famille est tout de même persuadé que les règles sanitaires seront respectées par sa fille et les autres élèves après ce moment de retrouvailles.

Émues de se retrouver

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Rires, cris de joie, câlins : l’émotion était palpable lors des retrouvailles de ce groupe de copines devant l’école secondaire Sophie-Barat, dans le quartier Ahuntsic, à Montréal. « On ne s’est pas vues depuis mars ! », s’est exclamée Sérine Sabrou, 13 ans (à droite). « Ça fait vraiment du bien de revoir ses amies. » Jenly Gay (à gauche), qui entre en 2secondaire cette année, était aussi très excitée à l’idée de retourner sur les bancs de l’école. « Je m’ennuyais, je n’avais rien à faire chez moi ! »

Comme au primaire

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« C’est une rentrée comme une autre », s’est exclamé Hugo Beausoleil, qui commence la 2e secondaire à l’école Hubert-Maisonneuve, à Rosemère. « On va se sentir un peu comme au primaire. On va toujours rester dans la même classe et on va devoir garder le même pupitre », a-t-il dit. L’adolescent a été soulagé d’apprendre, durant l’été, qu’il pourrait enlever son masque une fois assis à son bureau. « Le port du masque, ça me va. Ce qui m’inquiétait, c’est qu’on doive toujours le porter. Passer une journée au complet avec un masque, ça n’aurait pas été agréable. »

« Tout va changer ! »

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« Tout va changer ! », a lancé le petit Mathys Savard-Saulnier devant l’école Philippe-Labarre, dans l’est de Montréal, où il entreprend sa première année. Son père, qui l’accompagnait, faisait la file avec des dizaines d’autres parents venus conduire leurs enfants à l’école. « Je ne suis pas inquiet, a-t-il confié. Je le serais peut-être s’il avait été en cinquième ou sixième année avec le port du masque obligatoire, mais il est pas mal autonome, il est pas mal à son affaire. Je lui ai donné un petit masque quand même. Mais il est déjà habitué, on s’est pratiqués beaucoup à la maison. »

Trousse de survie

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Gel, lingettes et masques de rechange : pour la rentrée scolaire de ses filles, Béatrice Dagrain, infirmière, a préparé un « kit de survie COVID-19 » qu’elle a déposé dans leur sac d’école. À son arrivée à leur école primaire du quartier Rosemont, à Montréal, la maman de Camyla, 5 ans, et Victorya, 9 ans, s’est dite fébrile, mais confiante par rapport aux mesures sanitaires mises en place pour protéger les élèves. « Aujourd’hui, on brise la glace, ça ne sert à rien de paniquer. On lave nos mains, on s’adapte et on s’ajuste », a-t-elle résumé.

Une sixième pas comme les autres

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Les jumelles Aranza et Camila Aguirre-Goineau étaient tout sourire en retrouvant la cour de l’école Alpha, à Rosemère. « Moi, j’ai vraiment hâte parce qu’on est en sixième année et que c’est notre dernière rentrée au primaire », a dit Camila. « Mais je suis quand même un peu stressée, a ajouté sa sœur Aranza. C’est différent des autres années. On doit porter un masque à l’extérieur de notre classe et on ne peut plus s’approcher de tout le monde comme avant. »

Au secondaire masqué

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Ilias Laroussi est arrivé à l’école Hubert-Maisonneuve accompagné de ses deux parents. Le garçon admet que le passage à l’école secondaire conjugué à la pandémie le rend nerveux. « Il est quand même plus confiant que moi, s’est exclamé son père, Ali Laroussi. Moi, je travaille chez des clients avec un masque et je trouve que ce n’est pas si évident. Mais lui, il dit que ça va marcher, que ça va très bien fonctionner. » La famille s’est enlacée, puis Ilias a entrepris une nouvelle étape de sa vie en franchissant les portes de l’établissement.

Confiance envers la Santé publique

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Devant l’école secondaire Sophie-Barat, dans le nord de Montréal, Paul Blain-Tremblay dit au revoir à sa mère, Valérie Blain. « Je fais confiance à la Santé publique si elle juge qu’il est possible de retourner à l’école », a expliqué cette dernière. À son avis, il est très important de tenir compte des enjeux de santé mentale en plus des enjeux de santé publique. Il ne faut pas sous-estimer le fait que le confinement a pu constituer une grande source d’anxiété pour les élèves et les parents, souligne celle qui travaille dans le domaine du développement social. « C’est important que tout le monde revienne à un rythme de vie régulier. »

Rentrée « bizarre »

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À l’école secondaire Sophie-Barat, les élèves ont été invités à rentrer par vagues à différentes heures de la journée et devaient patienter dehors avant la plage horaire qui leur était accordée. L’attente a donné lieu à des scènes touchantes. Dès qu’elles se sont aperçues, ces adolescentes de 2e secondaire se sont enlacées. « Les premiers jours du confinement, c’était le fun, mais une semaine plus tard, c’était déjà devenu plate », a expliqué Suzanne Cissé (à gauche), 13 ans, qui a hésité à se joindre à la mêlée, distanciation physique oblige. Elle a reconnu que les masques rendaient la rentrée un peu « bizarre » cette année.

— Avec Suzanne Colpron, La Presse

Les activités parascolaires sur la glace

La nouvelle a eu l’effet d’une douche froide pour de nombreux élèves, parents et directions d’écoles : Québec a confirmé jeudi que les élèves qui ne faisaient pas partie d’une même « bulle-classe » ne pourraient pas se retrouver après l’école pour participer à des activités parascolaires, ce qui vaut aussi pour les équipes sportives.

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Les élèves qui se regroupaient pour des activités musicales, sportives ou artistiques devront attendre avant de se réunir s’ils ne font pas partie du même groupe à l’école.

Cette décision pourrait être revue dans un mois avec l’approbation de la Santé publique. En attendant, les élèves qui se regroupaient pour des activités musicales, sportives ou artistiques devront attendre avant de se réunir s’ils ne font pas partie du même groupe à l’école. Les programmes d’art-études ou de sports-études seront toutefois maintenus.

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a reconnu qu’il y aurait « un peu moins » d’activités parascolaires en septembre, mais qu’il souhaitait dans quelques semaines « faire un bilan, mesurer l’efficacité de nos mesures et peut-être à ce moment-là faire des assouplissements avec l’approbation de la Santé publique ».

« La stabilité du groupe-classe, c’est au cœur de notre plan sanitaire », a rappelé le ministre.

Le premier ministre, François Legault, a renchéri plus tard en journée. « On ne peut pas penser » que mettre des élèves de deux classes dans une même équipe de football soit possible « à très court terme », a de son côté déclaré M. Legault.

« Par contre, ce que j’ai dit à Jean-François [Roberge] et au DArruda, le plus tôt sera le mieux », a-t-il ajouté.

Si la rentrée se passe bien dans les prochaines semaines, vous allez avoir quelqu’un qui va travailler très fort pour que toutes les activités sportives reviennent comme avant.

François Legault, premier ministre du Québec

Rappelons qu’en septembre 2019, Québec avait ajouté une heure d’activités parascolaires gratuites chaque jour dans les écoles secondaires de la province, mesure qui devait avoir « un effet déterminant sur le sentiment d’appartenance, la motivation, la persévérance et la réussite scolaire ».

Incompréhension

Dans une lettre d’opinion transmise aux médias, le président de la Fédération des établissements d’enseignement privé, David Bowles, dit ne pas comprendre pourquoi la pratique du sport et des activités culturelles dans les écoles est « traitée différemment de ce qui est offert au civil et au municipal », où elles se poursuivent.

« Si une éclosion avait lieu à l’intérieur d’une équipe scolaire, par exemple, nous pourrions facilement identifier les contacts et confiner l’équipe au besoin », écrit celui qui est aussi directeur d’un collège axé sur le sport et les arts.

— Avec Hugo Pilon-Larose, La Presse