(Québec) Les libéraux craignent que les jeunes Québécois ne cèdent au chant des sirènes et abandonnent leurs études après avoir fait un stage en entreprise, dans un contexte de rareté de main-d’œuvre.

De son côté, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a reconnu la « problématique » mercredi et suggéré une campagne de sensibilisation pour inciter tous les élèves à poursuivre leurs études, même si l’offre d’emploi qu’on leur fait est alléchante.

Les députés débattaient mercredi de l’article 100 du projet de loi 40, qui vise à abolir les élections scolaires et transformer les commissions scolaires en centres de services.

L’article en question, qui a finalement été adopté à la majorité des voix, prévoit qu’un centre de services scolaire « peut en outre organiser des stages de formation ou d’apprentissage en entreprise ».

Le député libéral André Fortin a demandé au ministre s’il avait des données concernant l’impact des stages sur le taux de diplomation au Québec. Son collègue Monsef Derraji a parlé de la « pression » exercée par le marché du travail et du « fléau » du décrochage.

Le taux de diplomation au secondaire est de 70,8 % après cinq ans et de 81,8 % après sept ans, selon les plus récentes données du ministère de l’Éducation.

« Est-ce que ces stages de formation-là mènent toujours à la diplomation ? […] Est-ce que la personne […] qui va suivre un stage n’est pas un peu plus tentée une fois qu’elle est en entreprise de rester en entreprise ? » s’est enquis M. Fortin.

M. Roberge a dit trouver la question « pertinente ». Il a indiqué qu’il avait déjà parlé de ce problème au ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, et qu’il voyait plutôt d’un bon œil la mise sur pied d’une campagne de sensibilisation.

« J’ai entendu, comme (André Fortin), des employeurs et des jeunes dire : […] “Ça fait deux mois ou deux semaines que tu es dans l’entreprise, tu fais l’affaire, moi j’investis dans ta formation, t’as pas besoin de retourner à l’école pour compléter” », a-t-il relaté.

« On se tire dans le pied comme société […] quand on incite des jeunes à ne pas se rendre au bout de leurs parcours, parce qu’après, ils sont un peu prisonniers de l’entreprise », a ajouté le ministre, en invitant à « travailler ensemble » pour la persévérance scolaire.

Il a néanmoins vanté la « grande valeur pédagogique » des stages en entreprise, et déclaré qu’il était hors de question de légiférer en fonction du « contexte économique actuel temporaire ».

« Ça serait pousser un peu loin d’interdire à tout employeur de faire une offre d’emploi à un employé prometteur », a-t-il ironisé.

QS veut suspendre les travaux

C’est cette même pénurie de main-d’œuvre qui a poussé Québec solidaire, mercredi, à exiger la suspension de l’étude détaillée du projet de loi 40.

La députée Christine Labrie a rappelé la déclaration de M. Roberge la veille, à l’effet que la pénurie d’enseignants et de personnel sera son plus grand défi en 2020.

Elle a demandé, en vain, à ce que l’on mette le projet de loi en veilleuse, afin de réfléchir à des pistes de solution pour contrer la pénurie de main-d’œuvre dans les écoles.

« Ce que je demande au ministre, c’est d’être cohérent avec ce qu’il dit », a-t-elle déclaré en point de presse.

Mme Labrie s’est insurgée contre le fait de consacrer « des dizaines d’heures chaque semaine » à l’étude du projet de loi 40, « qui ne règle en rien l’enjeu de la pénurie de main-d’œuvre et qui ne répond à aucune urgence ».

Elle a reçu l’appui des représentants du Parti libéral et de la députée du Parti québécois Véronique Hivon.

Date repoussée ?

L’étude du projet de loi 40 — qui compte plus de 300 articles — se poursuivra la semaine prochaine. Après avoir laissé flotter l’idée de recourir au bâillon, le ministre Roberge se montre désormais plus flexible.

En mêlée de presse mercredi, il a laissé entendre qu’il pourrait retarder l’abolition des postes de commissaires scolaires, d’abord prévue pour le 29 février.

« Il est possible que l’on doive changer cette date, a-t-il affirmé, en précisant que l’abolition des postes devait se faire avant le début de la prochaine année scolaire, le 1er juillet. Ce sera un des amendements à apporter. »

Par ailleurs, Jean-François Roberge a procédé mercredi à une modification « importante » de son projet de loi. Les parents ne seront finalement pas majoritaires au sein des conseils d’administration des centres de services.

Au lieu d’être composés de huit parents, quatre représentants du personnel scolaire et quatre représentants de la communauté, les conseils d’administration seraient à présent formés de cinq parents, cinq représentants du personnel et cinq représentants de la communauté.

Les parents siégeant aux conseils seraient issus des comités de parents des écoles. Ces changements, qui visent à assurer un meilleur équilibre dans la composition des conseils, témoignent, selon le ministre, « des échanges qu’on a avec nos partenaires ».