(Québec) Les parents qui veulent changer leur enfant de classe si l’enseignante porte le voile ne s’avouent pas vaincus : le gouvernement Legault a refusé de leur reconnaître ce droit, mais ils entendent poursuivre le combat.

Des parents avaient signé une lettre ouverte dans les médias pour revendiquer ce droit en vertu de la nouvelle loi sur la laïcité. Cependant, autant le premier ministre François Legault que son ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, ont fermé la porte en affirmant que le gouvernement ne veut pas laisser les parents choisir leur enseignant.

La loi sur la laïcité prévoit une « clause grand-père », un droit acquis pour les enseignants qui étaient en fonction avant son adoption, mais les futurs profs, eux, devront s’abstenir de porter des signes religieux. Il y aura donc une période de transition qu’il faut accepter, a tranché le premier ministre.

Des « iniquités »

Des parents signataires veulent néanmoins maintenir la pression et continuer le combat. Selon un d’entre eux, André Lamoureux, c’est inéquitable, parce qu’on reconnaît un privilège aux professeurs, sans accorder de droit en contrepartie.

« La fameuse clause grand-père génère des iniquités : certains vont avoir droit au luxe de l’école laïque, tandis que les autres seront des laissés-pour-compte », a-t-il déclaré dans une entrevue avec La Presse canadienne.

« Ça ne veut pas dire que je suis contre la personne qui porte son voile. La loi lui reconnaît ce droit, mais reconnaissons le droit des parents de dire : “moi, ça brime ma liberté de conscience”. Je regrette, le voile, c’est un symbole de ségrégation sexuelle qui brime les femmes. »

Les enseignantes qui se plaignent d’être brimées parce qu’elles portent le voile « jouent beaucoup à la victimisation », parce que les vraies victimes sont les enfants, a-t-il dit.

M. Lamoureux écarte la possibilité d’un recours judiciaire, puisque le groupe n’en a pas les moyens, mais il entend continuer à faire pression sur le gouvernement.

« Ça me choque »

Un autre parent, Nadia El-Mabrouk, dit exiger simplement que le gouvernement mette en œuvre sa loi, qui reconnaît le « droit à des institutions et des services publics laïques ». Elle déplore que ceux qui réclament pour leur enfant un enseignement dans un cadre laïque se fassent accuser de racisme, faisant ainsi référence à un incident survenu à Montréal.

« L’exigence d’avoir accès à des services publics laïques, ce n’est pas dans 10 ou 20 ans, c’est tout de suite ! Est-ce que les citoyens vont continuer pendant 20 ans de se faire accuser de racisme quand ils vont demander de se prévaloir de ce droit ? »

Mme El-Mabrouk demande au gouvernement de mettre en place à tout le moins des mécanismes pour les parents qui demandent de changer leur enfant de classe au nom de la laïcité.

« Il faut que le gouvernement réalise qu’il y a des incohérences. Si changer de classe n’est pas de solution, qu’il trouve un mécanisme. Mais qu’il rejette du revers de la main comme ça notre demande. Moi, ça me choque qu’on ne défende pas les citoyens. »

Mercredi, le ministre Jean-François Roberge avait déclaré que « cela n’appartient pas aux parents de choisir ou de magasiner leur enseignant. Ce n’est pas prévu dans la loi sur la laïcité et on n’a pas l’intention d’aller dans cette direction ».