Les larmes n’étaient pas une denrée rare, hier, à l’école primaire Saint-Marcel de Pointe-aux-Trembles. En plus de partir pour les vacances d’été, les élèves et le personnel disaient au revoir à madame Louise, qui a pris sa retraite après y avoir passé 20 ans. Récit d’une matinée pour le moins riche en émotions.

Ça a commencé avant que ne sonne la cloche du début des classes. Madame Louise surveillait les élèves dans la cour quand Alissa est venue lui donner un câlin, puis s’est mise à pleurer sans retenue. L’enseignante a vite eu les yeux humides.

« Je ne suis plus capable de pleurer, je ne sais pas combien de larmes on peut avoir », disait déjà Louise Charron.

L’enseignante de cinquième année a l’habitude des fins d’années emplies de fébrilité, mais, cette fois, c’est différent. Depuis quelques semaines, ses collègues et élèves lui rendent des hommages sentis, qui ont culminé hier avec la fin de l’année scolaire.

La « maman de l’école »

Louise Charron dit avoir l’école Saint-Marcel tatouée sur le cœur, ses collègues disent qu’elle en a teinté l’esprit. Petite, elle l’a fréquentée, avant d’y faire carrière après avoir eu trois enfants.

À voir ceux qui tournaient autour d’elle, hier, on comprend bien qu’elle en a adopté bien d’autres, au fil des années. C’est « la maman de l’école », dit-on souvent.

Et ces « petits cocos » qu’elle a vus défiler, elle les a « aimés ». Elle se félicite d’avoir su gagner ceux qui n’étaient pas acquis, croit qu’il faut d’abord aider les enfants à avancer avec confiance.

Quand ils se regardent dans mes yeux, ils voient le meilleur d’eux-mêmes et ils me le donnent.

L’enseignante Louise Charron, à propos de ses élèves

La directrice de l’école le sait bien : on ne résiste pas à madame Louise. « Elle a le don de faire sentir aux parents qu’ils sont importants. Les enfants comprennent que c’est pour eux qu’elle fait les choses, qu’elle a des attentes élevées. Personne ne lui dit non », dit Stéphanie Tremblay.

« Je ne l’oublierai jamais »

Justine est demeurée inconsolable toute la matinée. La madame Louise qu’elle connaît est « drôle et sévère, gentille, généreuse. C’était pour vrai la meilleure », dit-elle.

Dylan Michaël a pris la plume pour son enseignante. « Je lui ai écrit qu’au début de l’année, je disais que je n’étais pas capable, et elle me disait de persévérer. Je lui ai aussi dit que je ne l’oublierai jamais », dit-il.

Meggie, Claudie et Mégane ne l’ont pas oubliée. Les trois filles viennent de terminer leur deuxième secondaire, mais sont passées saluer leur ancienne enseignante, hier. 

C’est une personne marquante. Elle a beaucoup d’énergie, elle rendait l’école moins plate. Elle va rester dans nos cœurs.

Mégane Lazare, ancienne élève de Louise Charron

Le cœur des collègues de madame Louise était visiblement gros, hier. Débarqué avec ses élèves pour une attaque improvisée de boulettes de papier, Stéphane Lamanna, aussi enseignant de cinquième année, a vite eu la gorge nouée.

« C’est comme si je perdais mon soleil », dit-il de sa voisine de classe.

« Si je me sens bien ici, c’est grâce à elle », dit pour sa part Annie Caron, qui enseigne depuis cinq ans à l’école Saint-Marcel.

Madame Louise est humble, observe une autre enseignante. Justement : « Quand on rayonne, c’est parce qu’il y a des gens qui nous font rayonner », dit Louise Charron, en parlant de ses collègues. « On s’est acceptés avec nos torts et nos travers. » À propos des parents, elle dit qu’elle « ne ferait rien » sans eux.

Haie d’honneur

La matinée tire à sa fin. Louise Charron éteint la lumière de sa classe. « On ne revient pas ? », s’enquiert un élève. Elle guide les enfants vers la cour. En s’y rendant, ceux-ci entonnent spontanément : « Adieu, madame la professeure. » Visiblement, madame Louise n’est pas encore à court de larmes.

J’ai l’impression d’être arrivée hier. J’ai le bonheur de m’en aller en étant aussi passionnée que lorsque j’ai commencé. J’ai fait ce que j’aimais.

Louise Charron

Dans la cour, tous les élèves et enseignants lui rendent un dernier hommage, en la faisant passer dans la haie d’honneur traditionnellement réservée aux grands de sixième année qui quittent l’école.

Louise Charron peine à avancer, reçoit des câlins de ses collègues et élèves. Beaucoup s’essuient les yeux.

« La vie, c’est ça. Il faut accepter à un moment donné qu’on passe à autre chose », dit-elle à une élève qui pleure à chaudes larmes. Madame Louise a enseigné jusqu’à la toute dernière minute.