(QUÉBEC) La construction de classes de maternelle 4 ans ne sera pas la seule à coûter plus cher que prévu. Une flambée des coûts pour agrandir et rénover des écoles de la grande région de Montréal entraîne des dépassements de 30% par rapport aux prévisions.

Québec vient d’autoriser des hausses budgétaires qui confirment le phénomène. Quatre projets de la commission scolaire des Grandes-Seigneuries, sur la Rive-Sud, coûteront ainsi de 20 % à 55 % plus cher que prévu.

« Ce n’est pas parce que les projets ont été modifiés. C’est parce qu’il y a une surchauffe » dans l’industrie de la construction, soutient la présidente de cette commission scolaire, Marie-Louise Kerneïs.

Québec finance les projets des commissions scolaires selon un coût moyen au pied carré. Ce coût comprend une contingence de 10 %, c’est-à-dire une réserve pour les imprévus.

Or, cette estimation ne correspond pas aux résultats des appels d’offres, relèvent des commissions scolaires. Le plus bas soumissionnaire présente un prix bien plus élevé.

Résultat : des sommes supplémentaires sont réclamées au ministère de l’Éducation pour réaliser les travaux. Dans le cas des Grandes-Seigneuries, les factures de quatre projets concernant des écoles primaires annoncés en 2017 sont ainsi revues à la hausse.

Québec a acquiescé aux demandes de la commission scolaire au cours des dernières semaines, comme en font foi quatre lettres du Ministère que La Presse a pu consulter.

Pour ces quatre projets, l’augmentation des coûts s’élève à 12 millions de dollars au total. C’est donc près de 30 % de plus que prévu.

Selon Mme Kerneïs, la forte demande entraîne une hausse des prix de la part des entrepreneurs. Autre facteur : le délai entre le feu vert donné au projet et la réalisation des travaux. Une estimation faite en 2017 ne tient pas nécessairement la route deux ans plus tard, souligne-t-elle.

Aussi à Laval et à Longueuil

La Commission scolaire de Laval a reçu l’an dernier la deuxième enveloppe budgétaire en importance au Québec pour rénover des écoles : 65 millions de dollars. « On le ressent beaucoup dans nos appels d’offres que les montants sont supérieurs à ce qu’on a reçu comme financement. C’est de l’ordre de 30 %. Dans plusieurs dossiers, on est en demande d’indexation du montant pour lequel on a été financé », soutient sa présidente Louise Lortie.

Plusieurs types de chantiers sont concernés : réfection de toitures, travaux de plomberie et remplacement de fenêtres, par exemple.

À Longueuil, la présidente de la commission scolaire Marie-Victorin, Carole Lavallée, évoque dans une lettre envoyée au ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, une « surcharge de 30 % » des coûts liés aux travaux dans les écoles « due à la rareté de la main-d’œuvre du milieu de la construction ».

Prudence à la CSDM

La plus grande commission scolaire du Québec, celle de Montréal (CSDM), se dit touchée par le phénomène, mais apporte quelques nuances. « Chez nous, la surchauffe est plus dans la rénovation que dans les nouvelles constructions. Et c’est dans certains secteurs. Mais publiquement, si je dis quels sont ces secteurs, je me tire dans le pied. Je ne veux pas que ça incite les entrepreneurs, comme des appels d’offres sont en cours, à soumissionner plus haut » en matière de prix, explique sa présidente, Catherine Harel Bourdon.

La flambée des coûts survient au moment où les commissions scolaires lancent des travaux comme jamais auparavant grâce à des investissements à la hausse de la part du gouvernement. Une école sur deux est en mauvais état au Québec, selon les plus récentes données officielles.

Vers une année record, dit l’Association de la construction

L’Association de la construction n’est « absolument pas » surprise de la flambée des coûts. « Pendant la campagne électorale, on avait fait une sortie publique pour avertir le prochain gouvernement qu’il était pour y avoir une surchauffe dans l’industrie de la construction si la tendance se maintient pour 2019. Aujourd’hui, les chiffres sont là à l’appui », affirme son responsable des affaires publiques, Guillaume Houle. 

Pour les premiers mois de l’année, il y a une hausse de 8 à 11 % des heures travaillées dans le secteur institutionnel et commercial par rapport à la même période l’année dernière (contre de 1 à 2 % pour les secteurs résidentiel et industriel). « C’est exceptionnel. On s’en va vers une année record », selon M. Houle. 

« Nos entrepreneurs se plaignent de ne pas trouver la main-d’œuvre nécessaire. Donc si on n’a pas la main-d’œuvre nécessaire pour réaliser les projets, quand on soumissionne, comme on va demander à nos employés de faire du temps supplémentaire, les coûts vont être plus élevés. » Le phénomène se fait sentir dans la grande région de Montréal en particulier. Autre élément à considérer : « le prix des matériaux continue d’augmenter à un rythme plus grand que prévu. Les entrepreneurs n’ont pas de contrôle là-dessus », souligne M. Houle.

> Consultez les détails des travaux à l'école Gérin-Lajoie

> Consultez les détails des travaux à l'école Saint-René

Augmentation des coûts à la commission scolaire des Grandes-Seigneuries

Agrandissement de l’école Gérin-Lajoie à Châteauguay

Coût prévu : 11,8 millions

Coût réel : 15,2 millions

Construction d’un nouveau pavillon à l’école Saint-René à Mercier

Coût prévu : 12,9 millions

Coût réel : 15,4 millions

Agrandissement de l’école Sainte-Clotilde à Sainte-Clotilde

Coût prévu : 6,5 millions

Coût réel : 10 millions

Agrandissement de l’école Saint-Viateur à Saint-Rémi

Coût prévu : 9,8 millions

Coût réel : 12,4 millions