Les universités canadiennes pourraient-elles être éclaboussées par le même genre de scandale qui a frappé le système des études supérieures aux États-Unis ? Des experts ne le croient pas, même si d'autres déplorent que les étudiants aisés aient une meilleure chance d'être admis que les autres.

Plusieurs dizaines de parents ont été arrêtés et accusés aux États-Unis dans une affaire de pots-de-vin visant à assurer à leurs enfants une place dans une université prestigieuse. Parmi eux figurent l'homme d'affaires de Vancouver, David Sidoo, qui a plaidé non coupable, ainsi que les comédiennes Felicity Huffman et Lori Loughlin.

Robert Astroff, un consultant en admission, rappelle que la sélection dans les institutions universitaires canadiennes est fortement axée sur les notes obtenues à l'école secondaire. La marge de manoeuvre est donc moins grande dans notre pays.

« Le paysage concurrentiel est très différent aux États-Unis, a-t-il déclaré. Il est beaucoup moins possible de jouer avec le système au Canada. »

Au Canada, il n'existe pas de test normalisé comme le SAT ou l'ACT, dont certains des accusés aux États-Unis auraient falsifié les résultats, a-t-il ajouté.

Les procureurs américains allèguent aussi que les accusés ont versé des pots-de-vin à des entraîneurs collégiaux pour qu'ils recrutent leurs enfants. Aux États-Unis, l'accent est mis davantage sur les sports universitaires qu'au Canada, car ils rapportent gros.

Plusieurs autres facteurs peuvent aider un élève à être accepté par une université américaine : des essais personnels, des lettres de recommandation ou les relations avec les anciens élèves.

Au Canada, les critères d'admission sont moins subjectifs, a souligné M. Astroff. Les universités se contentent souvent de vérifier si les notes au secondaire du candidat satisfont aux exigences minimales.

Les études supérieures sont plus hiérarchisées aux États-Unis. Il existe un énorme fossé entre une université de l'Ivy League comme Harvard ou Yale et un collège communautaire. Il y a beaucoup moins de différences entre les universités canadiennes et la sélection n'est donc pas aussi impitoyable, a dit le consultant.

Des responsables des admissions dans les universités canadiennes ont eux aussi insisté sur ces distinctions transfrontalières.

Curtis Michaelis, coordinateur des admissions et du recrutement à l'Université Mount Allison, à Sackville, au Nouveau-Brunswick, a mentionné que les étudiants américains qu'il a rencontrés sont souvent étonnés de la « transparence » du système canadien.

Selon Richard Levin, le directeur général des services d'inscription et du registraire à l'Université de Toronto, la plupart des programmes acceptent de 50 à 60 % des postulants, alors le taux d'acceptation dans les prestigieuses écoles américaines ne dépasse pas cinq ou 6 %.

« Cela reflète le fait que nos grandes universités publiques proposent un large éventail de programmes généralement assez accessibles », a-t-il déclaré.

Statistique Canada a indiqué en 2017 que le taux d'inscription aux études supérieures des jeunes âgés de 19 ans dans l'ensemble des provinces canadiennes a régulièrement augmenté, passant de 52,6 % en 2001 à 63,8 % en 2014. L'agence fédérale estime que cette poussée peut être attribuée à l'arrivée d'un plus grand nombre de jeunes issus des familles à faibles revenus.

Mais Eloise Tan, la directrice du programme de recherche du groupe de pression ontarien People for Education, a affirmé que les écoles ne devraient pas trop se féliciter rapidement.

« On n'a pas besoin de corrompre quelqu'un pour que son enfant soit admis à l'université, a-t-elle dit. Les gens dont les revenus sont plus élevés ont d'autres avantages. » Ils peuvent, par exemple, engager un tuteur pour améliorer les notes de l'enfant. Les écoles établies dans des quartiers plus aisés peuvent récolter plus de fonds pour les activités parascolaires.

Les étudiants issus de familles à faible revenu sont également moins susceptibles d'avoir accès à des conseillers en orientation, a-t-elle déploré.

Même lorsque les universités essaient d'égaliser les chances, elles ne font pas toujours les choses correctement, a fait valoir une chercheuse de l'Université de la Colombie-Britannique.

Emily Truong-Cheung, étudiante au doctorat en sociologie, a raconté que l'UBC avait modifié son processus d'admission en 2012 dans le but de diversifier sa population étudiante. Au lieu de se limiter aux notes, on pose des questions aux candidats sur les activités parascolaires et le travail bénévole.

Elle a interrogé 25 candidats et a constaté que, même si les jeunes de la classe supérieure ont le temps et les ressources nécessaires pour faire du bénévolat, des voyages et des activités extrascolaires, les étudiants de la classe ouvrière consacrent souvent plus de temps à étudier et à travailler pour soutenir leur famille.

« Ils étaient très embarrassés. Ils disaient qu'ils ne voulaient pas mentionner leur boulot chez McDonald's parce que ce n'est pas impressionnant. »