(Québec) Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, pense que la plupart des enfants inscrits en maternelle 4 ans cette année ne fréquentaient aucun service de garde.

Mais en point de presse à l’Assemblée nationale, mardi, au premier jour de l’étude détaillée du projet de loi 5, il ne pouvait pas le confirmer, reconnaissant n’avoir aucune donnée à ce sujet.

Le gouvernement Legault a toujours nié que la maternelle 4 ans universelle — qu’il pourra déployer une fois le projet de loi adopté —affaiblira le réseau des Centres de la petite enfance (CPE).

Devant la crainte des partis d’opposition de voir les CPE «dépouillés», il a assuré que les deux fonctionneraient en complémentarité, l’objectif étant d’offrir un service de qualité à tous les petits Québécois afin de mieux dépister les difficultés d’apprentissage.

Le ministre peut-il aujourd’hui informer la population quant à la provenance des enfants inscrits cette année en maternelle 4 ans? a demandé un journaliste. Fréquentaient-ils déjà un service de garde?

M. Roberge a répondu n’avoir aucune donnée à ce sujet, mais penser que «beaucoup» d’entre eux ne fréquentaient aucun service de garde. «C’est les échos que j’ai», a-t-il dit.

«On n’a pas les données sur la provenance, combien de ces enfants-là étaient, à l’âge de 3 ans ou 2 ans, dans tel ou tel réseau, comme les précédents gouvernements ne l’avaient pas non plus à chaque fois qu’ils ouvraient des classes.

«Moi je pense qu’il y en a beaucoup qui n’étaient dans aucun réseau parmi ceux qui s’inscrivent en maternelle 4 ans, d’après moi il y en a beaucoup qui n’étaient nulle part», a-t-il ajouté.

Il s’est réjoui que conformément aux objectifs du gouvernement, 644 classes de maternelle 4 ans soient offertes cette année en milieu défavorisé. Elles comptent en moyenne 11 enfants sur une possibilité de 17. «Les parents courent après ce service», s’est-il exclamé en anglais.

En campagne électorale, la Coalition avenir Québec (CAQ) a promis de créer 5000 classes de maternelle 4 ans pour tous durant son mandat. Cet engagement a depuis été révisé à environ 3200 classes. Le coût de chaque nouvelle classe est estimé à 800 000 $.

QS demande une enquête

Par ailleurs mardi, Québec solidaire (QS) a demandé à la commissaire à l’éthique, Ariane Mignolet, d’enquêter sur le remboursement par le ministre des dépenses de deux experts new-yorkais venus témoigner en faveur du projet de loi 5 en commission parlementaire.

M. Roberge aurait déboursé 4825 $ du budget de son ministère afin de couvrir les frais de déplacement, d’hébergement et de restauration de Carlyn A. Rahynes et de Rafael Alvarez, selon ce qu’a rapporté Le Journal de Québec le 19 juin dernier.

Les groupes qui se déplacent à Québec pour présenter un mémoire doivent habituellement couvrir leurs propres dépenses.

«Nous jugeons la situation très préoccupante, a écrit la députée Christine Labrie. Il nous apparaît que le geste du ministre crée un précédent en créant des catégories d’intervenants lors des consultations particulières: ceux dont les frais encourus par leur participation sont compensés et ceux qui doivent tout payer de leur poche.»

Cela «ouvre la porte» aux apparences de conflit d’intérêts, selon elle, «le ministre semblant avoir limité l’offre de tels dédommagements à des groupes partageant son point de vue».

Le 21 juin dernier, le Parti québécois (PQ) avait demandé au président de l’Assemblée nationale, François Paradis, de se pencher sur le geste de Jean-François Roberge.

La manœuvre du ministre de l’Éducation est «hautement critiquable», écrivait le leader parlementaire du PQ, Martin Ouellet, car elle soulève notamment des questions sur une possible ingérence de l’exécutif dans le processus législatif.

Relancé à ce sujet mardi, M. Roberge s’est défendu: «On peut toujours se priver de l’expertise internationale, mais est-ce que c’est le meilleur investissement pour nos jeunes? Je ne pense pas.»

Il a soutenu qu’il était impossible en juin de faire témoigner Mme Rahynes et M. Alvarez par visioconférence. «Maintenant on a des salles», a-t-il dit, en référence aux deux nouvelles salles de l’Assemblée nationale.