Des dizaines de parents de Vaudreuil-Dorion vivent une rentrée à la garderie chaotique, piégés entre un ministère qui veut fermer l'établissement fréquenté par leur enfant et des propriétaires qui tentent de sauver leur investissement.

Les familles de la garderie privée subventionnée L'Univers en moi, qui compte 80 places, ont reçu fin juillet une lettre de Québec : le gouvernement annonçait qu'il fermerait l'établissement deux mois plus tard, fin septembre, en raison de mystérieuses « irrégularités graves ». « La santé et la sécurité des enfants n'ont jamais été compromises », ajoutaient simplement les fonctionnaires.

Dans les deux dernières semaines, La Presse a pu s'entretenir avec plusieurs parents inquiets pour leur enfant. Ils ont dû se replier vers des solutions d'urgence et déplorent de faire les frais d'un débat dont ils sont devenus les victimes collatérales et dont on refuse de leur dévoiler les tenants et les aboutissants.

« Ce sont nos enfants qui paient le prix », a dénoncé une mère. « C'est une mauvaise situation et le bien-être de nos enfants ne semble pas une priorité. »

« Nous avons dû séparer nos enfants d'un environnement qu'ils connaissaient et dans lequel ils avaient confiance », a témoigné une autre mère. « Nous avons dû les placer sans avertissement dans un lieu qu'ils ne connaissent pas avec des gens qu'ils ne connaissent pas. C'est dur. »

Aucun des parents cités n'a accepté d'être nommé, de peur d'être poursuivi. La Presse a appris qu'au moins un parent d'enfant de la garderie avait reçu des menaces de poursuite de la part des propriétaires de la garderie pour des propos tenus sur internet.

La députée sortante de Vaudreuil, Marie-Claude Nichols, a indiqué qu'elle avait fait pression sur le ministère de la Famille afin que les parents d'enfants de la garderie L'Univers en moi obtiennent plus d'appui dans cette épreuve.

« FAUSSES DÉCLARATIONS »

L'Univers en moi appartient à Vincent Viviani, un homme d'affaires lavallois, et à Anna Martello. Fin août, M. Viviani a refusé de commenter la situation. Hier, il n'a pas rappelé La Presse.

Vérification faite au dossier du Tribunal administratif du Québec (TAQ), devant lequel la garderie conteste sa fermeture, c'est un enjeu de « fausses déclarations » présumées de la part de M. Viviani qui se trouve au centre du problème. Le ministère de la Famille accuse l'homme d'avoir menti au Ministère « afin d'obtenir 80 places subventionnées » : il aurait caché l'existence de sa partenaire d'affaires, Mme Martello, pendant quelques années, jusqu'au transfert de 50 % des actions de la garderie, début 2017. C'est cette transaction qui a mis la puce à l'oreille aux fonctionnaires.

Les documents n'avancent pas de motif pour ces « fausses déclarations ».

Lundi dernier, l'avocate de l'entreprise a obtenu du TAQ une suspension de la décision du ministère de la Famille. La garderie demeurera donc ouverte jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur le fond de l'affaire.

Selon un document rendu public par le Ministère par le truchement de la Loi sur l'accès à l'information et que La Presse a obtenu, L'Univers en moi a fait l'objet de 12 plaintes au Ministère depuis sa création en 2014. La plupart d'entre elles portaient sur des frais abusifs que la garderie imposerait aux parents, selon ces plaintes.

- Avec la collaboration de William Leclerc