Fini le fouillis et l'opacité dans la rémunération des recteurs. Québec fixera bientôt des normes que devront respecter les universités quant aux émoluments des hauts dirigeants.

La ministre responsable de l'Enseignement supérieur, Hélène David, déposera un «plan d'action» d'ici le début de l'automne. Elle pourrait aller de l'avant aussi rapidement qu'en juin, mais septembre est jugé plus réaliste. Elle veut une «harmonisation» et une «uniformisation» des règles sur les conditions de rémunération. Elle souhaite également de la «prévisibilité», laissant entendre qu'elle veut éviter de soudaines hausses de salaire comme on l'a déjà vu dans les dernières années.

Le plan d'action concernera non seulement le salaire, mais aussi tous les autres avantages consentis aux recteurs, comme une voiture de fonction dans certains cas, par exemple.

Le gouvernement «fait un sacré bon boulot de regarder ça pour la première fois, je pense, de l'histoire», a lancé Mme David, ex-vice-rectrice de l'Université de Montréal, au cours d'un entretien avec La Presse, hier.

La mesure touchera surtout les universités à charte: Montréal, McGill, Concordia, Laval et Sherbrooke, par exemple. Dans leur cas, ce sont des conseils d'administration qui décident de la rémunération des hauts dirigeants. A contrario, le gouvernement fixe le salaire et les conditions de travail des dirigeants des 10 établissements membres du réseau de l'Université du Québec, comme l'UQAM.

Hélène David entend soumettre aux universités des «propositions» de normes au cours des prochaines semaines. Elles ne seront pas placées devant le fait accompli, a-t-elle insisté. La démarche du gouvernement est délicate, car les universités sont jalouses de leur autonomie.

À la demande de la ministre, elles ont fourni à Québec la documentation au sujet de la rémunération des hauts dirigeants.

Transparence et clarté

Le plan d'action exigera d'ailleurs plus de transparence et de clarté de leur part. «Savoir l'ensemble des conditions de travail, je ne sais pas comment vous vivez ça, vous, mais ce n'est pas évident...», a-t-elle laissé tomber.

«D'une université à l'autre, les paramètres sont extrêmement différents. Et entre elles, elles ne savent pas tout» sur les balises des unes et des autres servant à établir la rémunération.

Elle a demandé au Conseil des ministres de l'Éducation du Canada de lui remettre des informations au sujet des salaires et des conditions des recteurs et vice-recteurs dans les autres provinces. L'objectif est de faire des comparaisons.

Hélène David a rencontré récemment tous les présidents des conseils d'administration des universités, une première de la part d'un ministre, selon elle. Elle voulait leur faire part de sa «préoccupation» quant à la rémunération des dirigeants. «Tout le monde m'a dit: "Merci, madame la ministre." Tout le monde! Toutes les universités, même à charte forcément, ont dit: "On va même pouvoir comprendre un peu comment les autres fonctionnent." Et moi, je vais aller plus loin. Pas juste comprendre, mais dire comment on pourrait fonctionner en toute équité les uns par rapport aux autres.»

Hélène David n'a pas voulu donner un aperçu des normes à venir. Il n'est toutefois pas question de revoir complètement la rémunération des dirigeants actuels. «Vous savez, il y en a qui ont des autos de fonction, il y en a qui ont des maisons de fonction, et il y a un long historique derrière ça. Je ne veux pas faire tabula rasa de tout l'historique de ces grandes institutions», a affirmé la ministre.

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200 000 $ pour une étude?


Les présidents des conseils d'administration des universités jonglent avec l'idée de commander leur propre étude sur la rémunération des recteurs auprès de la firme Mercer. Ce serait une façon de faire contrepoids à l'analyse du Ministère. Ils ont signalé à Hélène David que le contrat coûterait 200 000 $, compte tenu de l'échéancier serré et de leur demande visant à analyser la rémunération dans les 97 universités canadiennes. Le gouvernement refuse de financer une telle étude. «On a dit qu'on n'était pas là du tout», a résumé la ministre. Selon elle, les présidents conviennent que «c'est pas mal cher, prendre autant de derniers publics pour faire une étude». Ils n'ont pas encore décidé s'ils allaient donner le feu vert à l'étude ou encore modifier les conditions du contrat pour réduire la facture.