La Québécoise Heidi Berger a des raisons bien personnelles de militer pour que les élèves du secondaire suivent une formation obligatoire sur le génocide durant leur scolarité.

Sa défunte mère, Ann Kazimirski, était une survivante de la Shoah qui a milité pour cette cause jusqu'à sa mort, il y a dix ans. Elle s'était donné pour mission d'aller dans les écoles partout en Amérique du Nord pour raconter son histoire et parler du génocide, raconte Mme Berger. Elle estimait que les enfants des survivants avaient le devoir de faire vivre leur mémoire.

Heidi Berger a commencé à faire la même chose au Québec, où elle vit. Elle estime que son engagement a encore plus d'importance depuis que plusieurs jeunes Québécois sont partis au Moyen-Orient pour se joindre à des organisations djihadistes, en particulier le groupe armé État islamique.

Selon Mme Berger, ces jeunes de 16 ou 17 ans auraient probablement une autre vision du monde s'ils avaient été sensibilisés aux crimes contre l'humanité.

Kyle Matthews, de l'Institut montréalais d'études sur le génocide et les droits de la personne, soutient l'initiative de Mme Berger.

M. Matthews se dit frappé par le fait que les jeunes Québécois et Canadiens ne reçoivent pas suffisamment d'information sur les crimes contre l'humanité alors que certains d'entre eux quittent le pays «pour commettre un génocide à l'étranger».

«Il y a quelque chose qui manque dans notre système d'éducation quand (...) un nombre significatif (de jeunes) embrasse une idéologie qui encourage le massacre (et) l'extinction.»

M. Matthews croit qu'il est important de préserver la mémoire de tels massacres, puisqu'il n'y a plus de survivants du génocide arménien et de moins en moins de survivants de la Shoah pour en parler.

L'éducation sur le génocide existe dans certains endroits du pays. Dans les écoles publiques anglophones de Toronto, par exemple, on offre depuis 2007 un cours qui aborde les génocides des XXe et XXIe siècles, notamment le génocide arménien, la Shoah et le génocide au Rwanda.

Heidi Berger, une universitaire qui réalise des films, porte le message de sa mère dans les présentations sur la Shoah qu'elle offre dans les écoles. Mme Kazimirski est notamment très présente dans un témoignage vidéo posthume portant sur les expériences éprouvantes qu'elle a vécues.

Au fil de ses visites dans les écoles, Mme Berger a réalisé que les enseignants n'étaient pas à l'aise de parler des crimes contre l'humanité et n'avaient pas les outils nécessaires pour le faire.

«Un professeur d'éthique et culture religieuse est venu me voir et m'a dit que les élèves finissent leur secondaire sans savoir ce que signifie le mot génocide», déplore-t-elle.

Il y a environ 18 mois, elle a lancé la Fondation pour l'étude obligatoire des génocides dans les écoles secondaires. Elle milite notamment pour que les manuels d'histoire contemporaine au secondaire comprennent un chapitre complet sur les génocides, plutôt que les quelques paragraphes actuels. Elle réclame aussi un meilleur appui aux enseignants.

Mme Berger affirme qu'elle doit rencontrer le ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx, au début du mois de mai à ce sujet. L'adjoint parlementaire de M. Proulx, David Birnbaum, a aidé Mme Berger à faire cheminer son projet à travers la bureaucratie et à le porter à l'attention de l'Assemblée nationale.

Selon M. Birnbaum, des études montrent que les gens en savent généralement très peu sur la Shoah et les génocides contemporains, mais il souligne que le sujet est tout de même abordé dans le programme d'enseignement actuel au Québec.

«Il y a beaucoup d'endroits (...) où la Shoah et le concept de génocide sont mentionnés, et c'est toujours un défi d'apporter des changements au programme, dit-il. Ma priorité, c'est de m'assurer que Heidi Berger puisse plaider sa cause aussi clairement et directement que possible.»