Près d'un million d'élèves ne sont pas à l'école aujourd'hui, et quelque 375 000 n'y retourneront pas de la semaine en raison de la grève des enseignants. Un peu partout au Québec, les parents tentent de s'organiser. Certains peuvent compter sur les amis, la famille ou un employeur conciliant, d'autres arrivent à réorganiser leur horaire de travail, d'autres encore ragent de devoir prendre congé à leurs frais. Témoignages, chiffres et idées pour les enfants.

Trois mamans, sept enfants

Véronique Dussault avait tout prévu. Au cours des derniers jours, la maman de trois enfants a abattu plus de travail au bureau en prévision de la grève dans les écoles. Avec deux amies et leurs enfants (il y en a sept en tout de 6 à 14 ans), elle passe la fin de la semaine dans son chalet en Estrie. Les trois mamans qui travaillent dans le milieu du spectacle feront du télétravail. Le chalet est un contexte plus facile pour occuper les enfants. À tour de rôle, l'une d'entre elles sera responsable de la progéniture de tout le monde. Au menu : biscuits de Noël et fabrication de cadeaux artisanaux. « Comme ça, on aura de l'avance sur les préparatifs des Fêtes et on pourra travailler plus durant la semaine avant Noël », explique Véronique. Si elle arrive à bien s'organiser, elle n'est pas moins irritée par la grève. Bien qu'elle appuie les revendications des enseignants, elle en a contre leurs moyens de pression. « Prendre des parents qui n'ont souvent pas le tiers de leurs conditions [de travail] et les empêcher d'aller gagner leur vie, inquiéter les enfants, je suis contre. »

«Ça me coûte de l'argent»

Jean-François Picard et sa conjointe ont quatre enfants, dont deux au primaire. Elle a peu de congés ; il n'en a pas du tout. Pour le couple établi en Outaouais, la grève, ça coûte cher. « Quelle que soit la mécanique qu'on trouve, ça nous coûte de l'argent », dit le papa. Soit il inscrit ses enfants à des activités payantes, soit sa femme prend un congé dont elle ne profitera pas durant les Fêtes ou cet été, soit il ne travaille pas et perd une journée de salaire. Cette semaine, il restera à la maison une journée et sa conjointe une autre. « Pour la troisième journée, on ne sait pas encore ce qu'on va faire », dit-il, découragé. Impossible d'avoir un coup de main de la part de la famille. Les parents de Jean-François vivent à Québec. Ceux de sa femme travaillent. « Je suis bien d'accord avec les revendications, mais pas avec les moyens de pression. Quand tu manifestes, il faut que tu trouves un moyen de t'adapter à ta cause pour avoir l'opinion publique de ton côté. Moi, ils n'ont pas mon vote », dit l'homme, lui-même ancien militant pour la cause étudiante.

Camp de jour improvisé

Nora Jones et son conjoint Shawn Bowen sont propriétaires d'un centre d'entraînement et d'activités pour la famille à Outremont. Ils sont aussi parents de deux enfants dont l'école primaire est fermée pour le reste de la semaine. Plutôt que de prendre congé pour rester à la maison avec les enfants, le couple a décidé de tirer profit des moyens de pression. Les parents organisent un mini-camp de jour de trois jours, à 35 $ par jour, auquel, bien sûr, leurs enfants participent. Au début, ils ont passé le mot aux parents de leur école. Bientôt, des parents de plusieurs autres établissements du quartier ont manifesté leur intérêt. Une quarantaine de jeunes de tous les âges sont inscrits. « Comme les enfants sont censés être à l'école et apprendre, on va faire des activités éducatives, comme aller au Centre des sciences. On sait aussi que les jeunes ne bougent pas assez, alors on va aller dehors et faire des activités sportives », dit Nora. La maman appuie les revendications des enseignants. « On peut comprendre qu'ils ont besoin d'aide. Mais ce qui est moins bien, c'est de faire des jours de grève consécutifs. Pour les parents qui n'ont pas les moyens ou qui ne peuvent pas prendre congé, c'est plus difficile de s'organiser. »

Quand le patron donne un coup de main

Pendant les jours de grève, beaucoup de parents mal pris sont contraints d'emmener les enfants au bureau, lorsque leur profession le permet. Certains employeurs sont plus accommodants que d'autres. Le collège privé Jean-de-Brébeuf, par exemple, a mis sur pied un service de garde improvisé et gratuit durant toutes les journées de grève cette année. Pour un professeur, difficile d'emmener ses enfants en classe. S'il reste à la maison, ce sont ses étudiants qui en souffrent. La direction a trouvé une solution. Des surveillants, souvent d'anciens élèves, travaillent déjà pour le collège. Certains ont été conscrits pour s'occuper des enfants des employés. Un local est réservé. Il y a des films et des jeux de société. « On voulait aider notre personnel. On a de plus en plus de jeunes parents à notre emploi. Et on a déjà une école pleine de monde. Avoir 20 ou 30 personnes de plus, ça ne fait vraiment pas de différence », explique le directeur général Michel April.

Démêlons les chiffres

En comptant les journées de grève et les journées pédagogiques au primaire et au secondaire, combien de jours d'école les enfants manqueront-ils cette année ? Toutes les commissions scolaires ont 20 journées pédagogiques. Les 800 écoles dont les enseignants sont syndiqués à la Fédération autonome de l'enseignement, soit le tiers des établissements, seront en grève trois jours cette semaine, soit de mercredi à vendredi. Les enseignants ont tenu deux autres jours de grève cet automne. Dans certains établissements, le personnel non enseignant a fait grève trois jours. Avec les journées pédagogiques, cela fait en tout 28 jours de congé pour les enfants sur un calendrier qui en compte 200. Les autres écoles, représentées par la Centrale des syndicats du Québec, ont voté pour six jours de grève. Tout le personnel syndiqué est en débrayage aujourd'hui. Il s'agit de la quatrième journée de grève. Il en reste deux à utiliser si les négociations se prolongent. On parle de 24 journées sans classe, journées pédagogiques comprises.

Que faire des enfants?

Plusieurs initiatives locales ont été mises sur pied à l'intention des familles touchées par la grève. Le Musée des beaux-arts de Montréal offre des activités gratuites jusqu'à vendredi, dont des visites guidées et du bricolage. Le centre Patro Le Prevost de Montréal propose des journées d'activités payantes (25 $). Même chose au centre Père Sablon (45 $). À Valleyfield, le Musée de société des Deux-Rives organise un camp de jour « Plan B pour les parents ». Ce ne sont que quelques exemples.

Que veulent les enseignants?

À la CSQ



• Moins d'élèves par classe.

• Plus de ressources enseignantes pour épauler celles qui travaillent auprès des élèves en difficulté.

• Une moindre précarité d'emploi, un accès plus facile à la permanence.

• Une contribution de l'employeur au régime d'assurance maladie et la création d'une banque de congés pour obligations parentales et familiales

À la FAE

• Plus d'autonomie professionnelle

• Une tâche allégée

• Moins d'élèves par classe

• Plus d'argent dans les services aux élèves