Le siège social de l'Université du Québec (UQ) est dans la ligne de mire du gouvernement Couillard, a appris La Presse. Une réduction de ses pouvoirs, voire son abolition pure et simple, est envisagée.

Québec ne conserverait qu'un centre de services communs aux établissements du réseau de l'UQ, selon un scénario à l'étude. Il voudrait confier davantage d'autonomie aux établissements, comme l'UQAM.

Le ministre de l'Éducation, François Blais, n'a pas voulu commenter ces informations pour le moment. «Il y a trop de suppositions et il est trop tôt», se contente de dire cet ancien doyen de l'Université Laval. Son entourage reprend la formule consacrée: «On ne confirme ni n'infirme les informations.»

Selon des sources sûres, Québec remet en question la pertinence du siège social de l'UQ, qui chapeaute les 10 établissements du réseau. Le ministère de l'Éducation a entrepris des travaux à ce sujet, mais on indique que le Conseil du trésor serait à l'origine de l'opération. Le gouvernement n'en est pas à l'étape de prendre une décision sur le sort du siège social. L'heure est plutôt à la réflexion, dit-on.

La Presse a révélé au cours des dernières semaines qu'un nouveau cycle de compressions serait nécessaire en 2016-2017 afin de trouver 1 milliard de dollars. La commande faite à François Blais s'élève à 200 millions. Des changements de structures seraient au menu au Conseil du trésor, ajoutait-on.

Le siège social de l'UQ reçoit en subventions 15 millions par an. Le gouvernement Couillard vient de lui imposer une coupe de 1 million. Cela s'ajoute à la part que l'UQ a dû assumer des compressions de 72 millions demandées à l'ensemble des universités cette année. On parle d'environ 350 000$. Pour en éponger une partie, le salaire des dirigeants et d'autres employés du siège social a été réduit au cours de l'été.

«Plus cher»

Jointe par La Presse, la présidente de l'UQ, donc la patronne du siège social, Sylvie Beauchamp, soutient que le projet du gouvernement, loin d'entraîner des économies, «coûterait plus cher» et «affaiblirait les régions». Les coûts administratifs des établissements grimperaient parce qu'ils devraient prendre en charge certaines fonctions du siège social. Et le gouvernement se retrouverait à devoir rembourser un emprunt de 14 millions, selon elle.

«L'expertise qu'on a en commun est une force de l'ensemble du réseau. Chacun des établissements n'est pas capable de se donner ça lui-même parce qu'il n'a pas les budgets et les ressources pour faire ça», plaide-t-elle. Elle fait valoir que 10 des 15 millions versés par le gouvernement sont consacrés à «des services directs aux établissements».

Selon elle, «la réglementation a beaucoup évolué dans les dernières années pour tenir compte des réalités distinctes dans chaque établissement. On est plus forts ensemble, plus efficaces, que chacun isolément, sur le plan académique et sur le plan administratif».

L'UQ «est prête à s'améliorer, mais pas au détriment de la mission qui nous a été confiée», ajoute Mme Beauchamp. Cette mission est «d'accroître le niveau de formation de la population québécoise par une accessibilité accrue, d'assurer le développement scientifique du Québec et de contribuer au développement de ses régions», selon la loi.

Ce n'est pas la première fois que le rôle du siège social est remis en question. La chose était passée sous le radar médiatique, mais un comité de travail créé par le gouvernement Marois avait recommandé des changements à l'UQ. 

«La loi de l'UQ a fait son temps»

Dans un rapport sur la gouvernance des universités, déposé en 2013, les présidents des conseils d'administration de l'UQAM et de l'Université Laval, Lise Bissonnette et John Porter respectivement, écrivent que «la loi de l'UQ n'est plus de son temps, disons plutôt qu'elle a fait superbement son temps, et qu'il faut désormais en prendre acte». 

«La tutelle centrale qu'avait créée la loi de 1968, notamment par le moyen d'une Assemblée des gouverneurs et d'un Conseil des études ayant autorité sur l'ensemble du réseau, perd sans cesse de sa pertinence. Elle fait double emploi tant avec le Ministère qu'avec les directions des universités constituantes qui se plient toujours, la loi l'exigeant, à ses mécanismes d'autorisation devenus en général de simples mais lourdes formalités». Ils rappellent qu'en 2009, une proposition soumise par les établissements de l'UQ recommandait que le siège social renonce à ses pouvoirs réglementaires et que celui-ci soit «transformé en une sorte de coopérative de services, particulièrement utiles aux institutions de plus petite taille».

La même année, la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, avait déposé un projet de loi pour revoir en profondeur la gouvernance des universités, dont ceux de l'UQ, mais il était mort au feuilleton. Sylvie Beauchamp note que c'est dans le contexte du dépôt de cette pièce législative que les établissements avaient soumis leur proposition. «Ils ne veulent pas de l'abolition du siège social, ils sont conscients que ça les fragiliserait», a-t-elle dit.

«Ça ne tombe pas du ciel»

Le recteur de l'Université du Québec à Chicoutimi, Martin Gauthier, est au fait des réflexions en cours à Québec concernant le siège social. «Le ministre ne m'a pas interpellé directement là-dessus. Évidemment, il y a toujours des gens dans l'entourage...», laisse-t-il tomber sans autre précision.

Ce n'est pas une surprise pour lui. «Ça ne tombe pas du ciel, cette idée-là: le Trésor en parle sans arrêt!», lance-t-il. Il confie que le président du Conseil du trésor sous le gouvernement Marois, Stéphane Bédard, qui a démissionné comme député de Chicoutimi hier, avait eu une discussion avec lui sur le sujet. Le recteur s'oppose à la disparition du siège social. «Si on l'abolissait, on aurait une perte d'expertise. Quand même on me dirait qu'on pourrait reproduire ça dans les [universités] constituantes, le problème, c'est que ça va coûter plus cher», affirme-t-il.