Le petit Ricardo et les autres avaient du mal à se contenir. Un cadeau pour moi! Mieux: précisément celui que j'espérais! Il y a de ces lutins consciencieux...

Dans les médias, dans les syndicats, l'heure est à la grogne, mais dans les écoles, et surtout dans les écoles défavorisées, les enseignants continuent à faire ce qu'ils font depuis toujours: enseigner et faire souvent oeuvre sociale bien au-delà de leur définition de tâches.

C'est le cas de Fanny Gendron, enseignante de 3e année de l'école Jules-Verne. Constatant il y a quelques années que le père Noël, dans sa hâte, distribuait un peu moins de cadeaux à Montréal-Nord, elle a décidé de contacter sa propre brigade de lutins.

C'est comme cela que, dans sa classe, depuis quelques années, chaque élève a son cadeau.

Facebook aidant, les lutins, qui se reproduisent comme des lapins - vous l'aurez appris ici - se manifestent maintenant dans toutes les classes de cette école (sauf en 6e année, où les enfants, qui sont passés à autre chose, ont plutôt opté pour un repas communautaire).

Des centaines de cadeaux sont parvenus cette année à l'école, tous joliment emballés et accompagnés d'une lettre à l'écriture soignée destinée à l'un ou l'autre des enfants.

Mme Gendron est sidérée de l'empressement de purs inconnus à faire plaisir aux élèves.

Au préalable, les enfants, eux, ont écrit leur propre lettre contenant de belles suggestions de cadeaux. «Au lieu d'un jouet, certains demandent s'ils peuvent avoir des aliments ou un emploi pour leur mère...», relève Mme Gendron.

Les lutins les plus hyperactifs, ce sont Yannick De Garie, elle-même issue d'une famille monoparentale de Montréal-Nord, et son conjoint Badr Ait Ahmed. Tous deux étaient là en personne, hier, au dernier jour de classe avant les vacances, pour assister au dépouillement.

Pour que les enfants voient leurs bienfaiteurs? Câlins et remerciements il y a eu, certes, mais Badr Ait Ahmed n'était pas là pour cela. «Je veux être présent dans l'école pour leur montrer qu'on peut, comme moi, venir d'un autre pays et bien réussir dans la vie à condition d'aller à l'école et de ne pas décrocher.»

Les élèves ne vivent pas tous dans la pauvreté, mais c'est le cas de plusieurs d'entre eux. L'école Jules-Verne est classée comme l'une des plus défavorisées du Québec. Le quartier n'est pas facile. «Pour tout vous dire, note Mme Gendron, certains de mes élèves n'ont pas envie d'être en vacances. Pour eux, à l'école, c'est calme, c'est sécurisant, ce qui est souvent loin d'être le cas dans leur environnement.»

Mais qu'importe tout cela, hier, l'heure était au bonheur total, qui a pris la forme de Lego, de Transformers, de trousses de médecin et de figurines de toutes sortes.

«On a donné une limite d'argent, mais franchement, tous ceux qui donnent les cadeaux l'ont manifestement dépassée», relève Badr Ait Ahmed.

Et bonne nouvelle, dans la classe de Fanny, personne n'a été déçu. Aucun enfant n'a regardé avec envie le jouet de l'autre et chacun semblait aussi excité de voir son ami déballer son cadeau que s'il lui était destiné.

«Ouvre-le! Ouvre-le!», criait-on avant d'applaudir à tout rompre à la vue du super cadeau.

En prime, les lutins ont même offert des cadeaux à l'enseignante qui, elle, avait demandé des casse-têtes pour sa classe.

Une enfant sage, cette enseignante...