L'indignation et la grogne populaire ont maintenant gagné les familles, qui sont descendues dans les rues du Québec, hier, pour dénoncer les politiques d'austérité du gouvernement Couillard.

Quelques jours seulement après que le premier ministre Philippe Couillard a affirmé que la modulation des tarifs des centres de la petite enfance (CPE) en fonction du revenu était une mesure «juste et équitable», des milliers de familles ont envahi les rues de neuf villes du Québec, dont Montréal, Rimouski, Sherbrooke, Québec et Rouyn-Noranda.

L'Association québécoise des CPE (AQCPE), qui organisait l'événement en collaboration avec la CSN et la Fédération de la santé et des services sociaux, a évalué à 50 000 le nombre de participants pour l'ensemble des rassemblements.

Le gouvernement n'a pas encore révélé les détails de sa réforme, la ministre de la Famille, Francine Charbonneau, se contentant de dire cette semaine qu'aucune hypothèse n'était écartée.

«Le gouvernement nous laisse dans le néant, on pose des questions et la ministre de la Famille nous répond qu'on a raison d'être inquiets, alors les familles, quand on est inquiets, on sort dans la rue et on manifeste», a déclaré Louis Senécal, président-directeur général de l'AQCPE, qui participait au rassemblement montréalais dans le Quartier des spectacles.

Sur la place des Festivals, une foule compacte digne des concerts estivaux a écouté les nombreux discours, mais aussi le spectacle du groupe pour enfants Les Petites Tounes. L'atmosphère était festive, avec les clowns pour divertir les enfants, mais les pancartes ne trompaient pas: les parents étaient en colère.

En septembre, La Presse a révélé que le gouvernement libéral comptait mettre fin au tarif unique dans les garderies subventionnées pour se tourner vers un tarif modulé en fonction du revenu familial. La semaine dernière, Le Devoir a appris que le tarif de base serait établi à 8$ auquel s'ajouterait une contribution additionnelle pouvant aller jusqu'à 12$ par jour.

L'AQCPE propose plutôt de faire passer le tarif de base de 7,30$ à 8$, suivi d'une indexation annuelle. Les familles à faible revenu pourraient bénéficier d'une tarification spéciale.

«La tarification qui reste la même chaque année crée un problème pour les années futures, le ballon grossit. Il faut être responsable, reconnaît M. Senécal. Mais plutôt que de nous écouter, la ministre s'en remet à la commission de révision des programmes. Le dialogue social que le premier ministre nous a promis n'a pas lieu.»

Le Parti québécois (PQ), qui avait annoncé une hausse des tarifs en février dernier (9$ en 2015, suivie d'une indexation), a à son tour dénoncé l'approche des libéraux. «On avait proposé une augmentation progressive et de développer 28 000 nouvelles places. Le gouvernement fait tout le contraire. Il bloque les places et augmente les tarifs. [...] C'est le mauvais chemin», a indiqué Stéphane Bédard, chef intérimaire du PQ, qui était lui aussi présent au rassemblement de Montréal en compagnie des députés Nicole Léger et Mathieu Traversy.

À l'époque chef de l'opposition, M. Couillard avait dénoncé le «choc tarifaire» de la proposition du PQ et s'était plutôt engagé, lors de la dernière campagne électorale, à indexer les tarifs.

Marc-André Després, père de deux enfants, a critiqué le gouvernement pour son manque de transparence. «Arrêtez de nous prendre pour des valises! Le gouvernement s'est bien gardé de nous en parler pendant la campagne... Ça rend les gens cyniques ensuite», a-t-il dit, son fils de 4 ans assis sur ses épaules.

De son côté, Chantal Davis, directrice des installations du CPE Saint-Édouard, à Montréal, craint que plusieurs familles renoncent à envoyer leur enfant en CPE si le gouvernement confirme cette réforme. «Des parents nous en parlent déjà beaucoup, ils sont inquiets», dit-elle.

La députée de la Coalition avenir Québec Sylvie D'amours a également participé à la manifestation montréalaise. Son parti prône une indexation à partir du tarif actuel de 7,30$. Françoise David, de Québec solidaire, a été chaudement applaudie lorsqu'elle a déclaré qu'elle souhaitait des services en garderie gratuits.

Des réponses d'ici le 5 décembre

La ministre de la Famille, Francine Charbonneau, affirme ne pas être sourde aux inquiétudes des familles, mais soutient que le réseau (garderies subventionnées ou privées) n'est pas équitable. «Des familles paient 60$ pour une place par jour, d'autres, 7,30$. Quand je dis que le système n'est pas universel, je ne suis pas dans les patates», a-t-elle déclaré à La Presse, peu après les manifestations.

«On regarde comment faire plus avec les places qu'on a déjà, si on peut créer plus de places, plus rapidement. Le réseau a 15 ans. Qu'on s'arrête, qu'on le regarde, qu'on le bonifie, qu'on apporte des améliorations... ça devrait encourager les gens, mais le changement est quelque chose qui est toujours difficile, donc en ce moment, les gens sont plus inquiets que rassurés», a-t-elle ajouté.

Le gouvernement compte créer 6300 places d'ici le 31 décembre et souhaite atteindre 28 000 nouvelles places en 2021, a indiqué Mme Charbonneau. La ministre espère annoncer les détails de la réforme avant l'ajournement de la session parlementaire, le 5 décembre.