La perspective de voir éventuellement le gouvernement Couillard remettre en question le mode de financement actuel des services de garde a été accueillie comme un pavé dans la mare par les partis d'opposition, les syndicats et les garderies.

Le gouvernement libéral s'apprêterait ainsi à mettre fin au principe de l'universalité du programme, à taxer davantage les contribuables, tout en brisant une promesse électorale, ont dénoncé en choeur l'opposition péquiste, la Coalition avenir Québec (CAQ) et Québec solidaire, jeudi.

Aussi, si jamais le gouvernement va en ce sens, ce sera une attaque directe contre la classe moyenne, selon la députée péquiste Agnès Maltais.

Québec doit sabrer des milliards de dollars dans ses dépenses pour rétablir l'équilibre budgétaire en 2015-2016 et a entrepris, à travers deux commissions, d'examiner divers scénarios de révision des programmes gouvernementaux et de révision de la fiscalité des contribuables. Un des scénarios évoqués serait de moduler le tarif de garderie à 7 $ par jour en fonction du revenu des parents, et non de fixer le même tarif pour tout le monde, comme c'est le cas actuellement.

En point de presse jeudi, la députée Maltais a fait valoir qu'en campagne électorale, le printemps dernier, les libéraux s'étaient pourtant engagés à ne pas toucher au tarif des garderies, sauf pour l'indexer. Il s'agit donc «d'un engagement rompu», qui annonce un choc tarifaire dont la classe moyenne fera les frais, selon elle.

«Ils avaient promis de ne pas hausser les tarifs», rappelle-t-elle, en jugeant qu'un système de tarification basé sur le revenu des parents serait un cauchemar administratif. «Vous allez voir quel bordel ça va être à gérer», selon elle.

La députée de Gouin, Françoise David, de Québec solidaire, a renchéri pour juger que cette avenue d'un financement en fonction du revenu était «injuste et irresponsable». Elle en conclut que le gouvernement libéral va directement piger dans la poche des contribuables pour éponger le déficit.

C'est ce que croit aussi le député caquiste François Bonnardel, qui voit là une «taxe déguisée». «Les Québécois ont assez payé» de taxes de toutes sortes, a-t-il plaidé.

Le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, n'a pas voulu dire si ce scénario était réellement examiné. Questionné à ce propos en point de presse, il n'a pas voulu faire de commentaires, en disant qu'aucune décision n'avait encore été prise en ce qui touche ce programme ou tout autre programme gouvernemental.

Mais le seul fait que le scénario puisse être envisagé a suffi à semer l'émoi.

Le directeur général de l'Association québécoise des Centres de la petite enfance (AQCPE), Louis Sénécal, juge l'hypothèse catastrophique. Une modulation en fonction du revenu ferait «certainement» chuter le taux de natalité et ramènerait les femmes à la maison, selon celui qui voit le système actuel comme «un levier économique» incitant les femmes à faire partie de la population active.

Il fait valoir que de nombreux parents sont en panique et remettent déjà en question leurs projets familiaux.

Surtout, il souligne que le gouvernement Couillard s'est fait élire il y a à peine quelques mois en s'engageant à ne pas toucher au tarif des garderies, sauf pour l'indexer. «Le gouvernement n'a pas eu ce mandat de la population», a-t-il dit lors d'un entretien téléphonique.

Le président de la CSN, Jacques Létourneau, estime que Québec pourrait ainsi «fragiliser l'accès» des familles aux services de garde. Il a dit craindre lui aussi, en point de presse, qu'une telle avenue ait pour effet de ramener les femmes au foyer pour s'occuper elles-mêmes de leurs enfants.

La présidente de la CSQ, Louise Chabot, a insisté sur le fait que l'esprit du programme à l'origine était de faire en sorte que «tous les enfants aient accès à ces services-là».