Jusque-là, deux lettres semblaient sceller leur destin: T.C. Plus maintenant. Pour 17 élèves de l'école Poly-Jeunesse, à Laval, cette fin d'année scolaire marque une petite victoire: celle où ils quitteront les classes pour enfants ayant des «troubles de comportement» pour être intégrés dans des classes ordinaires ou pour élèves ayant seulement des difficultés d'apprentissage.

Karyne Brousseau, enseignante à l'école Poly-Jeunesse, a tout vu. Des élèves qui ont fait de la prostitution, des enfants battus à la maison ou dont les parents ont de sérieux problèmes mentaux, des élèves qui, le matin, «se relèvent de la brosse de la veille».

Enseigner à des jeunes présentant de tels troubles de comportement, «c'est émotif et c'est physique. On doit souvent gérer des crises». Après avoir enseigné quelques années dans de telles classes, Karyne Brousseau et quelques-unes de ses collègues se sont rendues à l'évidence: certains de leurs élèves pouvaient espérer s'en sortir.

Cette année, les 17 élèves qui ont réussi à corriger des troubles de comportement graves seront honorés en bonne et due forme lors d'un gala ce soir. Pour plusieurs d'entre eux, fait remarquer Mme Brousseau, «ce sera la première fois de leur vie qu'ils seront honorés pour un succès au plan scolaire».

Il en va ainsi de Fabrice qui explique avoir «passé sa vie aux T.C.».

La raison? «Je pétais ma coche.»

En sécurité aux T.C.

En première année, c'était quotidien. En troisième année, il a fait fort: il a carrément refusé de passer ses examens de fin d'année.

Si Fabrice se montre content de ne plus se retrouver dans une classe de jeunes présentant des troubles de comportement, sa mère, Marie-Suzie Allaire, raconte que la transition n'a pas été facile. «Quand on lui parlait d'intégrer une classe ordinaire, il avait peur de se retrouver avec des élèves dits "normaux" et il faisait tout pour bousiller le processus. Il y avait quelque chose de sécurisant pour lui dans ces petites classes où il recevait plus d'attention.»

L'intégration dans une classe ordinaire n'allait pas de soi non plus pour Gabriel Dulude-Lebel, âgé de 13 ans.

«J'étais aux T.C. depuis la 2e année du primaire parce que j'étais agressif, explique-t-il. Quand on m'a parlé de l'intégration à des classes ordinaires, j'étais très réticent et ils m'ont un peu forcé, mais maintenant, je suis très fier.»

«Aux T.C., ça pouvait être violent par moments, poursuit-il. Pendant une pause, à un moment donné, j'ai vu par exemple un T.C. frapper une de mes amies.»

Ses troubles de comportement ont certes ralenti considérablement son développement. À 13 ans, il a l'équivalent d'une 3e ou d'une 4e année. Il est néanmoins motivé et il compte bien décrocher son diplôme de 5e secondaire.

Caroline Dulude, la mère de Gabriel, ne cache pas qu'elle espérait depuis longtemps que son fils échappe à cette étiquette de «T.C». «Je n'aimais pas le fait qu'il soit dans une classe fréquentée exclusivement par des jeunes ayant des troubles de comportement. Je m'inquiétais pour le type d'amis qu'il se ferait là.»

Annie Larose, dont le fils très anxieux a aussi réussi son intégration en classe ordinaire cette année, signale que ça s'est gagné 15 minutes à la fois. «Ses enseignantes lui disaient: «Si tu restes en place 15 minutes d'affilée, tu aurais droit à ceci ou cela.»Ou alors: «Finis tes exercices et tu pourras ensuite faire telle ou telle chose.»»

Mais surtout, dit Mme Larose, les enseignantes se sont montrées très disponibles, allant même parfois jusqu'à aller voir son fils jouer au hockey. Et quand est venu le moment de l'intégration et que son fils était nerveux, elles lui ont dit: «Viens, on va marcher ensemble vers ta nouvelle classe.»