«Maman, même si tu as gâché mon Noël, c'est le temps de pardonner alors je pense fort à toi. Je t'aime.»

Stéphanie ouvre la carte de Noël qu'elle vient de bricoler pour sa mère. Depuis deux semaines, l'adolescente de 14 ans est enragée. Et dans ses colères, elle lui réserve les mêmes insultes qu'aux éducatrices: putain, salope, vache, sorcière, chienne...

Elle a même griffonné une lettre disant qu'elle se vengerait en se tuant le 24 décembre.

Mais sa mère, elle l'aime. Et c'est avec elle qu'elle veut vivre. Quelques jours plus tôt, à la fin d'une visite de routine, ses sanglots résonnaient dans l'unité: «Maman, je veux être avec toi! C'est ça, la vie normale d'un enfant... Un câlin, maman! Es-tu capable de me faire un câlin, au moins?

- Stéphanie, a répondu sa mère, je ne suis plus capable. On a toutes les deux besoin d'aide.»

Lorsqu'une fille aboutit en encadrement intensif, ses parents sont toujours aussi dépassés. Mais tous ne l'admettent pas, loin de là, observe la chef de l'unité, José Gauthier. «La plupart d'entre eux voient juste le problème de leur enfant. Pour les forcer à travailler le leur, ça prendrait une ordonnance: eux aussi auraient besoin d'être en centre. Je rêve de voir ça un jour!»

D'ici là, les éducateurs tentent par tous les moyens d'obtenir la collaboration des parents. Même lorsqu'ils appartiennent aux Hells Angels, qu'ils ont fait des pactes de suicide avec leur enfant, l'ont négligé, battu ou lui ont 1000 fois fait faux bond.

«Avant, on disait: «On va vous le réparer, votre petit.» Mais il y a eu un revirement total: on a besoin des parents. L'enfant, c'est leur sang», tranche José Gauthier.

«Peu importe les progrès qu'il fait ici, si le noeud du problème n'a pas été touché à la maison, le jeune va fuguer de nouveau dès qu'il retournera dans sa famille, dit-elle. Tant que les parents ne travaillent pas sur eux, l'enfant ne peut pas aller mieux, à moins qu'il ne prenne ses distances.»

Après une journée déjà longue, Danny rassemble donc son courage pour téléphoner à la mère de Marie-Ange, qui ne semble guère ébranlée de voir sa fille s'associer aux gangs de rue.

L'idéal? Que les travailleurs sociaux s'impliquent encore plus dans les délicats dossiers d'encadrement intensif. «Mais leur charge de travail a quadruplé. Ils ne peuvent pas visiter 40 familles chaque semaine! se désole José Gauthier. Le plus dur, c'est de ne pas avoir les moyens de nos ambitions.»

En attendant, les jeunes payent. Sarah pleure. Sa mère a annulé sa visite pour la cinquième fois. De sa voix douce, Johanne, son éducatrice, tente de l'amener ailleurs. «Ça fait quatre ans que Sarah vit des déceptions, explique-elle. Elle va devoir se construire à l'extérieur de sa famille.»

Pour l'adolescente, c'est un défi déchirant. «Au téléphone, ma mère m'interrompt sans arrêt, se désole-t-elle. Je veux qu'elle sache que j'ai besoin d'aide, que c'est moi l'enfant ! Pouvoir lui dire: "Maman, passe juste une heure de ta semaine avec moi. Après, je ne t'achalerai plus. Je vais être contente. Promis."»