Depuis huit ans, Cécile Amand prend soin de neuf enfants dans le sous-sol de sa maison de Saint-Laurent. Depuis huit ans, elle élabore des menus, désinfecte des jouets et tient la comptabilité de sa petite entreprise. Tout ça pour l'équivalent de 6,50$ de l'heure - moins que le salaire minimum. Et sans aucune protection sociale.

«Je n'ai jamais pris un congé de maternité, raconte cette mère de deux enfants. La dernière fois, j'ai accouché le jeudi et le lundi suivant, je travaillais déjà!» Et beaucoup: 60 heures par semaine. Pour une fraction de ce que gagnent les éducatrices en centre de la petite enfance (CPE). «On n'a pas de reconnaissance sociale. On est considérées comme des gardiennes.»

Ça va bientôt changer. Depuis six mois, les 15 000 responsables en service de garde (RSG) en milieu familial négocient un contrat de travail avec le gouvernement du Québec. Au terme des négociations, elles obtiendront le statut hybride de «travailleuses autonomes syndiquées», ce qui leur donnera droit à des protections sociales de l'État.

«C'est une première au Québec», souligne la ministre de la Famille, Yolande James. «Tout est à faire. Tout est à écrire.»

Autant en profiter pour bien le faire, disent les experts. Après tout, c'est en milieu familial que sont offertes la majeure partie des places à 7$ au Québec: pas moins de 91 607, contre 80 327 en CPE et 39 529 en garderie. Pas étonnant, si l'on considère que ces places coûtent deux fois moins cher à l'État.

Rehausser les critères

Le gouvernement doit profiter des négociations pour rehausser la qualité des services qui y sont offerts, dit Christa Japel, professeur spécialisée en développement de l'enfant à l'UQAM. Car, si la plupart des RSG offrent des services de qualité, environ 10% passent à travers les mailles d'un filet trop lâche.

«Si on veut que nos enfants aient droit à un milieu éducatif et pas juste à du gardiennage - et parfois du gardiennage avec beaucoup de lacunes -, il faut imposer de plus grandes exigences», estime-t-elle.

Les qualifications requises, entre autres, sont insuffisantes. La loi exige des RSG qu'elles suivent un cours en premiers soins, une formation initiale de 45 heures et un cours de perfectionnement annuel de six heures. «Elles n'ont même pas besoin d'avoir un diplôme d'études secondaires», dit Mme Japel.

Non seulement la formation est maigre, mais elle peut comporter à peu près n'importe quoi. «La loi est très vague à ce sujet. Il n'y a pas de syllabus, pas de contenu obligatoire, rien», dit Daphné Desrochers-Longchamps, directrice d'un bureau coordonnateur en CPE. Elle a même déjà vu une RSG se faire reconnaître un cours de... sculpture de ballons!

Le directeur de l'Association québécoise des CPE, Jean Robitaille, craint par ailleurs que la syndicalisation ne vienne ajouter des embûches au travail des bureaux coordonnateurs, chargés de superviser les RSG et d'appliquer des sanctions en cas de faute grave.

«Une RSG qui place les enfants six heures par jour devant la télé avec des hot-dogs, n'essayez pas de révoquer son permis, ça ne marche pas, dit-il. Ça prend des négligences très graves pour y arriver. Le processus est déjà assez complexe, j'espère qu'on ne se mettra pas à tout gérer par voie de griefs...»