La loi 103 sur l'accès à l'école anglaise pourrait bien accélérer la chute du gouvernement de Jean Charest.

C'est du moins la prédiction faite jeudi par un ancien membre de son gouvernement, Thomas Mulcair, venu en commission parlementaire s'indigner contre le projet de loi qui vise à encadrer l'accès aux écoles anglaises privées non subventionnées.

La loi 63, qui proposait le libre choix de la langue d'enseignement, a annoncé la fin de l'Union nationale, à la fin des années 60, puis la loi 22 et ses tests linguistiques ont provoqué la fin du premier gouvernement libéral de Robert Bourassa, en 1976, a estimé l'ex-ministre du Développement durable de 2003 à 2006, en point de presse.

Le même sort pourrait être réservé à Jean Charest, s'il ne renonce pas au projet de loi 103, a-t-il tranché.

«C'est un dossier qui, historiquement, lorsque les gouvernements ne comprenaient pas l'importance de ce dossier-là pour le public, ils payaient un très lourd prix et l'historique ne s'est jamais démenti jusqu'à date. On verra bien si la série se poursuit», a-t-il répondu quand on lui a demandé quel serait, selon lui, le prix politique à payer pour le gouvernement d'avoir choisi cette avenue.

Le sentiment de «sécurité linguistique» constitue «un sujet de la plus haute importance pour l'ensemble des Québécois, peu importe leurs convictions politiques, et peu importe leurs origines», a-t-il ajouté.

La sortie de M. Mulcair peut étonner, quand in pense qu'en plus d'être un ancien ministre libéral, il est fédéraliste, anglophone et qu'il a été directeur des affaires juridiques chez Alliance Québec.

Parfaitement bilingue, il a aussi été avocat au Conseil de la langue française, puis commissaire à la Commission d'appel sur la langue d'enseignement.

Actuellement député du NPD à Ottawa, M. Mulcair était à Québec pour présenter la position du Nouveau Parti démocratique dans ce dossier.

Selon lui, le gouvernement fait donc totalement fausse route avec son projet de loi 103. Il va jusqu'à dire qu'il partage en partie l'analyse du Parti québécois (PQ) à ce propos, en jugeant qu'«en permettant l'achat d'un droit, seuls les plus nantis auront accès à l'école anglaise au Québec. On envoie un très mauvais signal.»

À ses yeux, «le projet de loi 103 est une échappatoire totale», une «erreur monumentale», qui viendra miner les progrès de la langue française au Québec.

FTQ: clause dérogatoire

Plus tôt dans la journée, la plus importante centrale syndicale au Québec, la FTQ, n'a été guère plus tendre envers le gouvernement.

Les parents ne doivent pas acquérir le droit de payer pour envoyer leurs enfants à l'école anglaise privée non subventionnée, a clamé elle aussi la FTQ.

Le secrétaire général de la Fédération des travailleurs du Québec, René Roy, est donc venu rejeter en bloc le projet de loi.

Le gouvernement ne devrait pas hésiter, selon lui, à recourir au besoin à la clause dérogatoire de la Constitution pour interdire cet accès aux francophones et allophones.

En conséquence, Québec devrait faire en sorte d'appliquer la Charte de la langue française (Loi 101) à ces écoles, a-t-il suggéré, rejoignant en cela la position du Parti québécois et d'une coalition formée d'une trentaine d'organismes.

«Affirmer nos droits, cela fait juste nous faire respecter davantage par les autres», a dit M. Roy, en point de presse.

Selon lui, avec ce projet de loi, tout ce que le gouvernement veut, c'est «permettre à ceux qui sont plus fortunés d'obtenir un droit constitutionnel» d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. Or, ce faisant, on créerait deux classes de citoyens, à ses yeux.

Il a fait valoir que le mouvement d'opposition au projet de loi 103 allait prendre de l'ampleur. Un grand spectacle aura lieu à Montréal, le 18 septembre, et d'autres activités suivront, a-t-il dit.

Déposé en juin à l'Assemblée nationale, le projet de loi 103 fait suite au jugement rendu en octobre 2009 par la Cour suprême invalidant la loi 104, adoptée en 2002 sous le gouvernement péquiste.

Cette loi mettait fin au phénomène des écoles passerelles, c'est-à-dire des établissements qui permettaient à des élèves francophones et allophones d'accéder à l'école anglaise publique, donc gratuite, après un court détour par le secteur privé.

En vertu du projet de loi 103, l'enfant devrait fréquenter une école anglaise privée non subventionnée pendant au moins trois ans avant de pouvoir accéder au secteur public anglophone, et démontrer que son parcours scolaire est «authentique».

Présidence FTQ

En point de presse, M. Roy a par ailleurs indiqué son intention de poser sa candidature, cet automne, à la présidence de la FTQ, s'il réunit d'ici là les appuis nécessaires.

«Je suis intéressé», a-t-il dit, à faire la lutte à Michel Arsenault, lors du congrès des membres à la fin novembre.

Il fait présentement une tournée, pour voir s'il peut compter sur «suffisamment de support» de la base pour se lancer dans la course.

«Ça fait 35 ans que j'oeuvre à la FTQ et je pense que je peux donner une autre vision à la FTQ» que celle de M. Arsenault.