En voulant étendre la loi 101 aux écoles privées anglaises non subventionnées, le Parti québécois prône une solution «radicale», estime Louis Bernard.

L'ex-chef de cabinet de René Lévesque a présenté un mémoire mercredi à la commission parlementaire sur le projet de loi 103. Cette loi permettrait d'inscrire un francophone ou allophone à l'école publique anglaise à deux conditions: s'il a séjourné trois années dans le réseau non subventionné, et si ce parcours est jugé «authentique», selon une grille préétablie.

M. Bernard critique autant le projet péquiste que libéral. Il avance une autre proposition. «Si un parent veut inscrire son enfant à une école anglaise non subventionnée, il faudrait qu'il s'engage solennellement pour que son enfant y complète son cursus», suggère-t-il. Pour passer ensuite au public, il faudrait invoquer des raisons majeures, comme un sérieux «revers de fortune», ajoute-t-il.

Ce débat résulte d'une décision de la Cour suprême. En octobre dernier, le plus haut tribunal au pays renversait la loi 104, adoptée unanimement à l'Assemblée nationale, qui visait à colmater une brèche de la Charte de la langue française en interdisant les écoles passerelles.

La Cour suprême invaliderait-elle aussi l'amendement proposé par M. Bernard? «Ça a toutes les chances d'être accepté, assure-t-il. On n'enlève pas de droit, l'école passerelle n'est pas un droit.»

Sa solution permettrait selon lui de colmater la brèche tout en préservant un «espace de liberté», comme le voulait le père de la loi 101, Camille Laurin. Cette liberté, c'est de pouvoir payer pour éduquer son enfant dans une école non subventionnée et non francophone.

Le PQ propose d'interdire cela. Pour ce faire, il lui faudrait utiliser la clause dérogatoire prévue dans la Constitution canadienne. Comme la ministre de la Culture Christine St-Pierre, M. Bernard estime que cela «nuirait à l'image du Québec».

Le projet de loi libéral ne l'emballe pas pour autant. Il comporte selon lui «deux inconvénients majeurs». Il légitimerait les écoles passerelles et encouragerait leur utilisation. Plus de francophones s'inscriraient dans des écoles anglaises non subventionnées et passeraient ensuite au réseau public. « (Le projet de loi libéral) explique aux gens comment le faire!» déplore-t-il.

St-Pierre et Curzi «intéressés»

La ministre de la Culture et son vis-à-vis de l'opposition officielle, Pierre Curzi, se disent «intéressés» par cette proposition, tout en émettant des réserves. «Il lance un appel à la discussion, c'est très positif. On va l'analyser avec sérieux», indique Mme St-Pierre.

M. Curzi souligne toutefois des «zones d'ombre» dans la proposition de Louis Bernard. «Qu'arriverait-il aux frères, soeurs et descendants d'un enfant qui passerait du système anglais non subventionné au système public? Quand on a les moyens de payer, achète-t-on les droits pour tout le monde?» Autres problèmes selon lui: le danger du cas par cas, et le danger de se retrouver encore une fois devant la Cour suprême.

Quant à l'ADQ, elle a maintenu sa position. Elle s'oppose au recours à la clause dérogatoire. Son chef, Gérard Deltell, prône l'enseignement intensif de l'anglais en cinquième et sixième année du primaire. «Cela contrerait immédiatement la question des écoles passerelles», croit-il.