L'ancien recteur de l'Université Concordia, Claude Lajeunesse, a touché 1,3 million de dollars après avoir quitté ses fonctions de façon précipitée en octobre dernier, trois ans avant la fin de son contrat.

L'Université Concordia a versé à M. Lajeunesse la totalité du salaire qu'il aurait perçu s'il avait accompli son mandat de cinq ans. Il aurait aussi touché une indemnité équivalant à une année de salaire parce que son contrat a été interrompu avant terme, révèlent des documents rendus publics cet automne par l'université, un an après les faits.

 

Ces sommes respectent le contrat signé entre l'établissement universitaire et M. Lajeunesse, mais elles soulèvent l'indignation du corps professoral. L'Université Concordia a déjà connu une meilleure santé financière: elle a déposé l'an dernier un budget déficitaire de quelque 11 millions de dollars. «La somme versée à M. Lajeunesse correspond à 10% de notre déficit. C'est sûr que cela a un impact sur le fonctionnement de l'université», dénonce Charles Draimin, président de l'Association des professeurs de l'Université Concordia.

Raisons jamais éclaircies

Complètement inattendue, l'annonce du départ de Claude Lajeunesse avait créé une véritable commotion dans la communauté universitaire en octobre 2007. Les raisons de son départ n'ont jamais été éclaircies. L'Université Concordia s'était limitée à publier un communiqué de presse laconique dans lequel elle indiquait que le retrait de M. Lajeunesse avait été décidé «d'un commun accord» avec le conseil d'administration lors de rencontres à huis clos.

Le président du conseil, Peter Kruyt, avait aussi remercié M. Lajeunesse pour «son engagement et son leadership», dans une lettre ouverte où il soulignait plusieurs de ses réalisations sans relever aucune tache à son parcours.

L'administration de l'Université Concordia, qui s'est refusée à tout commentaire au cours des derniers jours, a répondu aux demandes d'entrevue de La Presse en lui envoyant le communiqué de presse de 2007.

Le même mutisme avait été observé en octobre 2007 par Claude Lajeunesse, qui avait alors refusé toutes les demandes d'entrevues sur ce sujet. Il n'a pas davantage rappelé La Presse la semaine dernière.

C'est cette aura de mystère qui irrite le plus le syndicat des professeurs de Concordia.

«Peut-être qu'il y a des bonnes raisons pour expliquer le départ de M. Lajeunesse, mais on ne nous les a jamais fournies. Cette histoire a coûté cher à l'université, nous avons le droit de savoir ce qui s'est passé», dénonce M. Draimin.

Premier recteur francophone à la tête d'une université anglophone montréalaise, Claude Lajeunesse avait pris position publiquement à plusieurs reprises en faveur d'une hausse du financement des universités, dont il qualifiait la situation d'«intenable».

Il est maintenant directeur de l'Association des industries aérospatiales canadiennes. Il a aussi été recteur de l'Université Ryerson, à Toronto, pendant 10 ans, et a dirigé l'Association des universités et des collèges du Canada de 1988 à 1995. À l'Université Concordia, il a été remplacé cet automne par Judith Woodsworth, qui a fait du retour à l'équilibre budgétaire sa priorité.

Avec la collaboration de William Leclerc