Un pas déterminant dans le règlement des réclamations à la suite de la tragédie de Lac-Mégantic sera franchi aujourd'hui. Le syndic qui représente la Montreal, Maine & Atlantic, ses assureurs, les manufacturiers de wagons-citernes et Irving Oil dépose sur la table sa proposition de règlement, le «plan d'arrangement avec les créanciers», pour un total d'environ 283 millions.

Selon les informations obtenues par La Presse, les survivants des 47 victimes se partageront 24% de cette somme qui sera soumise par Richter, le syndic de faillite de MM&A, qui représente les entreprises poursuivies. Richter rend public aujourd'hui un «état des lieux», le portrait d'ensemble des indemnités qu'il a pu négocier jusqu'ici auprès des mis en cause, soit toutes les entreprises poursuivies impliquées dans le transport du pétrole brut à Lac-Mégantic.

Dans un premier temps, le syndic avait récolté 208 millions; Irving, propriétaire du pétrole transporté à Lac-Mégantic, a ajouté depuis 75 millions. D'ici deux semaines, le syndic devra se présenter en cour pour demander au juge la tenue d'une assemblée des créanciers, qui devrait avoir lieu vers la mi-mai. Cette proposition est le fruit de semaines de négociations entre avocats; elle pourrait être contestée, mais elle devrait passer le test.

En coulisses, on indique que les proches des victimes seront indemnisées en fonction d'une grille d'évaluation qui soupèsera de nombreux facteurs allant de la proximité filiale jusqu'à l'espérance de vie.

Jusqu'à 5 millions

Ainsi, les indemnités aux survivants oscilleront entre 500 000 $ - par exemple, une dame très âgée a perdu un fils dans la soixantaine - jusqu'à 5 millions. Rappelons qu'un entrepreneur local, Raymond Lafontaine, a perdu dans la tragédie son fils et ses deux brus; de jeunes enfants se retrouvaient sans parents. Plusieurs dizaines de personnes se qualifieront pour une indemnité, mais à des degrés très divers, selon la proximité du défunt avec le survivant. Un des avocats au dossier évoque environ 200 personnes à indemniser, un chiffre bien approximatif, convient-on.

Selon les estimations de Québec, la facture totale liée à la catastrophe du 6 juillet 2013 pourrait atteindre théoriquement 845 millions, la «réclamation optimale», mais on sait que le règlement se situera bien en dessous. Le groupe des victimes s'était fait représenter par des avocats américains - aux États-Unis, dans certains États, comme l'Illinois, ce genre de réclamation n'a pas de plafond, alors qu'au Canada, la jurisprudence laisse prévoir des indemnités bien moins importantes pour des morts.

Cette proposition de règlement devra être soumise au vote des créanciers, dans une réunion prévue pour la mi-mai. Pour obtenir le feu vert, l'entente devra avoir l'aval d'une majorité de créanciers, mais ceux-ci doivent représenter les deux tiers de la créance.

Une autre portion de 21% doit aller aux «autres sinistrés» qui ont perdu des immeubles à cause du sinistre. Aussi, 12% de la somme servira à compenser des dommages à la propriété, et 7,8% à dédommager les résidants qui auraient subi des «dommages moraux» dans la foulée des évacuations.

Le gouvernement du Québec devrait récupérer 48 % de la somme mise sur la table par le syndic - la part du lion, l'ensemble des gouvernements, Québec, Ottawa et la municipalité, obtient 52%. Déjà, Québec avait encaissé 25 millions d'une compagnie d'assurance - une somme qu'il a déjà promis de retourner aux sinistrés. Essentiellement, c'est le gouvernement provincial qui a payé les factures pour la décontamination et les mesures d'urgence au moment du sinistre.