Cinq ans après avoir été pratiquement rayés de la carte au Québec lors de l'opération SharQc, les Hells Angels se relèvent péniblement. D'anciens Rock Machine devenus Hells Angels dirigent les activités en attendant le retour de la centaine de leurs frères emprisonnés. Appuyés par une relève moins solide et de clubs sympathisants plus ou moins sérieux, les Hells Angels conservent un atout: l'alliance qu'ils ont formée avec d'autres groupes criminels et chefs de gang.

Depuis déjà plusieurs années, les Hells Angels et les autres groupes criminels respectent un pacte de non-agression et se partagent territoires et activités. Affaiblis par de multiples opérations policières, les motards tentent ainsi de préserver leurs acquis.

«Ce que l'on constate actuellement, c'est qu'il y a une forme d'entente entre groupes criminels pour ne pas amener de guerre ou de violence, qui est synonyme de pression policière, ce qu'ils ne veulent pas. Chacun se complait dans son carré de sable», explique l'inspecteur Patrick Bélanger, patron de la Division du crime organisé à la Sûreté du Québec.

«La relève des Hells Angels que l'on observe est désorganisée par l'incarcération d'une majorité de membres qui ne sont plus là pour fixer les balises. Ceux qui sont sortis assurent une certaine continuité mais ils ne sont pratiquement plus visibles depuis cinq ans. Cinq ans plus tard, on commence à peine à les revoir», poursuit l'officier.

«On a coupé la tête mais il reste encore le reste du corps, et ils poursuivent tant bien que mal leurs opérations. Les membres en règle détenus continuent de recevoir leur part, mais dans une moindre mesure», renchérissent d'autres sources familières avec le milieu.

Le portrait

Alors qu'on en dénombrait environ 115 au Québec en 2009, il y a actuellement 8 membres en règle des Hells Angels en liberté totale, sans condition, et 4 prospects. Cinq de ces membres sont d'anciens Rock Machine. Cinq autres membres sont en liberté mais en attente de procès, dont Salvatore Cazzetta, cofondateur des Rock Machine, qui serait maintenant le Hells Angels le plus important au Québec. «C'est certain qu'actuellement, les anciens Rock Machine occupent le siège de conducteur chez les Hells Angels du Québec», nous a-t-on dit.

Quelques autres membres en règle, qui ont été condamnés dans les superprocès SharQc, ont commencé à bénéficier d'un élargissement, dont l'influent Mario Brouillette.

Même si certaines sources proches du milieu criminel ont évoqué à La Presse la création d'une nouvelle section ou la nomination récente ou imminente de nouveaux membres, le site internet officiel des Hells Angels indique qu'il y a toujours cinq «chapitres» au Québec: Montréal, South, Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières.

Il est possible que certaines sections aient fusionné temporairement ou que des membres aient changé de section. Mais puisque chaque section ne compte pas le minimum de six membres prescrit par les règlements des Hells Angels, les cinq «chapitres» québécois sont actuellement considérés par l'organisation comme «gelés»; ils ne recrutent pas et leurs membres n'ont aucun droit de vote sur la scène internationale.

Tout nouveau groupe de motards au Québec doit encore aujourd'hui obtenir l'assentiment des Hells Angels pour pouvoir afficher ses couleurs. Depuis SharQc, pas moins de 80 groupes ont été créés. Selon certaines sources, les nouveaux venus seraient les Satan's Knights aperçus lors du dernier Show Harley au Centre Bell à la mi-février. La police considère toujours cinq de ces groupes comme des «sympathisants» des Hells Angels mais non comme des clubs-écoles.

La principale activité des Hells Angels demeure le trafic de stupéfiants et ils contrôlent une bonne partie du secteur de la méthamphétamine.

Réseau

Cinq ans après l'opération SharQc, les Hells Angels sont toujours appuyés par plusieurs «relations» souvent plus influentes que les membres en règle, et qui préfèrent la discrétion à la veste arborant des couleurs. D'ailleurs, dans le milieu, on n'exclut pas de voir moins de «patches» à l'avenir.

Les Hells Angels sont encore très forts dans certains secteurs de Montréal, tels le centre-ville, Hochelaga-Maisonneuve, la «dalle» du parc Émilie-Gamelin et Verdun, et sont dominants partout dans le reste du Québec.

Leurs hommes sur le terrain sont toutefois constamment harcelés par les policiers qui multiplient les frappes aussitôt qu'un réseau sort la tête de l'eau.

«Le combat de la police contre les Hells Angels n'est pas terminé. On ne leur cédera jamais le terrain. Qu'ils soient indépendants ou patchés, ils nous auront constamment sur le dos», conclut l'inspecteur Bélanger.

Les anciens Rock Machine aux commandes

Salvatore Cazzetta: membre de la section de Montréal et chef présumé des Hells Angels sur le terrain. Libre mais en attente de procès pour contrebande de cigarettes.

André Sauvageau et Gilles Lambert: membres de la section de Montréal.

Marco Roberge, Yannick Gauthier et Jean-Judes Faucher: membres de la section de Québec.

Trois opérations policières d'envergure

Au cours des quatre dernières années, la police a maintenu sa pression sur la relève des Hells Angels en effectuant au moins trois opérations d'envergure.

Opération Écrevisse 

Octobre 2010 - Val-d'Or (Abitibi)

400 policiers

51 individus arrêtés

75 armes saisies

Plus de 1 million de dollars saisis

Plusieurs meurtres résolus

Opération Carcan  

Novembre 2011 - Rive-Sud de Montréal

300 policiers

25 individus arrêtés

24 armes à feu saisies

300 000 $ saisis

160 000 comprimés de méthamphétamine

8 kg de cocaïne

Opération Kayak  

Juin 2013 - Cantons-de-l'Est  

235 policiers

24 arrestations

Plus de 175 000 $ saisis

13 véhicules saisis

Plus de 300 plants de marijuana saisis