Dominique est partie avant la fin de la première journée du procès de Luka Rocco Magnotta. «C'est ennuyant, c'est long, je ne m'attendais pas à ça. C'est de la curiosité morbide, oui, mais le morceau de jambe dégoûtant, non, franchement non. Je vais revenir dans trois semaines. Ce que je veux voir, c'est comment tout l'aspect de sa maladie mentale sera défendu. Je ne pense pas qu'ils vont répéter l'erreur Turcotte et le libérer.»

Sa voisine de chaise dans la salle de débordement avait la même opinion. «L'enquête préliminaire était intéressante, avec le rapport d'autopsie, mais aujourd'hui, c'était ennuyeux, a indiqué Naomie. Je vais revenir moi aussi. Pour moi, c'est une façon de réaliser que tuer comme ça, ça se peut, c'est tellement cruel. Ce n'est pas juste dans les films que ça arrive.»

Déjà, à 5h du matin, une file de badauds s'était formée à l'entrée de la salle du cinquième étage du palais de justice de Montréal où se tient le procès pour meurtre prémédité de Luka Rocco Magnotta. Des agents de sécurité ont été positionnés dans chaque couloir.

Fascination

Patrick, étudiant en droit, ne voulait rien manquer du procès. Près de lui, deux jeunes cachaient difficilement leur fascination - frôlant l'admiration - pour l'homme accusé d'avoir dépecé le corps de Lin Jun avant d'en expédier des parties à des partis politiques. Il y avait aussi ces trois jeunes adultes qui avaient décidé la veille, sur un coup de tête, de venir assister au procès. «On veut le voir en vrai», a dit l'un d'entre eux.

Leur espoir a été de courte durée. Un agent a ouvert le cordon de sécurité. Le ton a monté pour déterminer qui était arrivé le premier. Il n'y avait que cinq places pour le public. Ils n'auront d'autre choix que de se rabattre sur deux salles de débordement, au deuxième étage, où environ une centaine de personnes s'entassaient. Déception: l'angle de la caméra ne permettait pas de voir l'accusé. On l'entendait d'une voix faible plaider non coupable aux cinq chefs d'accusation. En surveillant les gens dans la salle, un agent de sécurité a affirmé qu'il n'avait jamais vu autant de citoyens se déplacer pour un procès.

Couverture en Europe

Pendant ce temps, un nombre impressionnant de journalistes prenaient des notes, des photographes étaient derrière un autre cordon de sécurité pour croquer des portraits. Il n'y avait que les avocats et le père de la victime sur les lieux. Le journaliste Nicolas Jacquard, du quotidien Le Parisien, en France, passera la semaine à couvrir le procès. Il a expliqué que l'affaire macabre avait fait la manchette une ou deux fois quand Magnotta était en cavale en Europe. «On a déjà diffusé des vidéos de gens qui pensaient l'avoir reconnu. Ce n'était pas notre meilleur coup, mais tout le monde le cherchait.»

Il n'est pas le seul à avoir traversé l'océan pour assister aux audiences. Il y a le journaliste Pete Samson, du London Sun. Il rappelle que Magnotta avait fait parler de lui dans les médias britanniques quelques mois avant le meurtre. Il y a enfin une horde de journalistes d'origine asiatique, la plupart basés à Toronto, qui assistent au procès, notamment pour une chaîne de télévision nationale qui diffuse en Chine. «Vous savez, il [Magnotta] était ontarien. On attend le témoignage de son père schizophrène», a ajouté la journaliste Cindy Wu, en griffonnant dans sa langue natale sur un calepin.

Fin d'après-midi: les badauds disparaissaient un à un durant la projection des photos avec la valise contenant le tronc démembré de la victime. Certains se frottaient le front en voyant un morceau de jambe, des draps souillés d'un liquide rougeâtre. Patrick et les deux jeunes fascinés par le crime sont des durs de durs: ils ont passé deux heures debout, à l'heure du lunch, derrière le cordon de sécurité, pour conserver leurs places dans la salle. «Je ne veux rien manquer», a dit Patrick, qui risque de passer plusieurs autres journées à se réveiller aux aurores pour être aux premières loges.