Daniel Chenard, dit Tchen

Âge: 44 ans

Retraité des Forces armées

Son grade: adjudant, commandant adjoint de peloton d'infanterie au 1er Bataillon du Royal 22e Régiment

Son expérience en Afghanistan: Il est allé en Afghanistan comme civil d'avril à novembre 2010 grâce à l'Agence de soutien du personnel des Forces canadiennes. À la base de Kandahar, il a été gestionnaire du gymnase canadien.

Dire que Daniel Chenard a l'armée tatouée sur le coeur est un euphémisme. Ce retraité, qui n'a pas l'air d'en être un, nous accueille en t-shirt aux couleurs militaires, son surnom (Tchen) brodé sur une manche.

Dans sa maison des Cantons-de-l'Est, une pièce entière est consacrée à ses années au sein de l'armée. C'est son petit musée, où sont exposés les souvenirs de ses missions et d'une vie passée à servir le Canada.

Des lettres de Jean Charest et de Stephen Harper sont encadrées. Sur le sol, une boîte contient les souvenirs de ses «amis défunts». L'un des drapeaux de sa salle appartenait à un de ses sergents qui s'est suicidé en mission.

Adolescent, il était pourtant plus porté sur la délinquance que sur l'armée. «Ce n'était pas mon intérêt», résume-t-il. Il se plie à l'autorité paternelle et finit par s'enrôler, en 1984. «Finalement, j'ai passé 24 ans dans les Forces.» Sa carrière le mène de châteauguay, pour la crise d'Oka, à Chypre, à Sbrenica et Sarajevo, en Bosnie, puis en Haïti. Au début des années 2000, il est promu adjudant et retourne à Valcartier. En 2005, il prépare son départ en Afghanistan.

«En 2004, les Canadiens étaient à Kaboul, puis ils ont bougé à Kandahar. Là, ce n'était plus la même chose: c'était gros», dit-il. Malheureusement, des blessures l'empêchent de finir l'entraînement. À la suite d'un déclassement médical, en 2006, il n'est plus apte à être déployé.

«Je trouvais ça malheureux, je voyais mes chums partir en avion, habillés en combat. La bave me coulait, dit-il. Je suis militaire, j'ai ça dans le sang.»

Plutôt qu'être au front, il est dans un bureau. Il tourne en rond. L'ennui le guette. «Ce n'était pas le job pour lequel j'avais été engagé», résume-t-il. Il prend alors sa retraite et entame une formation d'ébéniste, sans toutefois se sentir à l'aise dans sa nouvelle vie civile, parmi ceux qui fréquentent ses classes. «Je suis à l'école, j'ai eu 24 ans d'armée, je suis discipliné. Mais on ne peut pas parler de l'armée avec eux autres; ils veulent juste parler de l'iPad.»

L'armée lui manque. Il la retrouve donc et se fait embaucher comme civil auprès de l'Agence de soutien des Forces canadiennes. Sa candidature est retenue. Il réussit les tests haut la main et part pour la base de Kandahar. «Pour moi, c'est un rêve», dit-il.

Il travaille au gym canadien. Son orgueil: «Servir les troupes.»

«J'ai été avec tous mes chums de toute ma carrière. J'ai tripé, j'ai perdu 30 livres, j'ai servi les troupes. J'ai fait la plus belle mission de ma vie.»

Après l'Afghanistan, il peut enfin faire son deuil de l'armée. Les Forces canadiennes, c'est fini. «J'aime ma vie. J'aime mon lit queen. J'aime ma moto. J'aime mon toaster. Je suis heureux de ça, j'étais tanné de tout partager. Je n'ai plus besoin de ça pour vivre.»

Il a toujours l'armée tatouée sur le coeur. Mais il reste critique quant au succès de la mission en Afghanistan.

«C'est vraiment dur pour un contingent de défaire la corruption par ses actions. Il y a des corrompus partout. Comment peut-on penser que, comme Canadien déployé en infanterie, on va aider des projets? Et penser que ça va changer le monde?», demande-t-il.

Il conclut en assurant: «La mission globale [des pays l'OTAN, NDLR], ce n'est pas la totalité des militaires qui y croient.»