Le ministère de la Défense nationale a versé «à titre gracieux» un peu plus de 650 000 $ au cours des deux dernières années en indemnisations à des civils afghans pour des décès ou des dommages causés par les opérations militaires canadiennes.

Pour l'année fiscale 2009, le ministère a payé à titre gracieux près de 206 000 $ en 102 versements, selon les rapports du receveur général du Canada. Les paiements oscillent entre 104 $ et 14 424 $. Le ministère a aussi versé 77 703 $ la même année pour des réclamations de citoyens à l'État afghan.

En 2008, ce sont 217 462 $ qui avaient été versés pour ces réclamations à l'État, et 152 683 $ en compensations à titre gracieux - dont une indemnité unique de 55 117 $.

Le capitaine Yves Desbiens, porte-parole de la mission canadienne à Kandahar, a expliqué que même s'il n'y a pas de responsabilité légale de l'armée canadienne, ces versements à titre gracieux sont offerts dans l'intérêt de la paix, de la sécurité et de la politique publique. Les noms des bénéficiaires et les circonstances entourant ces versements n'ont pas été dévoilés afin de préserver leur sécurité.

Même si cette pratique fait partie de la politique du ministère de la Défense depuis 2002, les documents des comptes publics pour les années fiscales précédant 2008 ne font pas état de paiements versés en Afghanistan.

En vertu du droit international, les pays impliqués militairement en Afghanistan ne sont pas responsables des préjudices ou des blessures causés par des opérations légitimes. L'organisation Campaign for Innocent Victims in Conflict (CIVIC), basée à Washington, a souligné que la plupart des membres de la Force internationale d'assistance à la sécurité offrent désormais de telles indemnités.

L'OTAN a publié un peu plus tôt cette année un guide à l'intention des pays qui voudraient offrir des compensations financières aux civils. En 2006, certains membres de l'organisation se sont regroupés afin d'uniformiser leurs méthodes de paiement mais le Canada maintient son propre système. Toute compensation supérieure à 2000 $ doit par ailleurs obtenir l'approbation du sous-ministre de la Défense nationale.

Le Canada accepte les documents signés par des aînés locaux en tant que preuve dans les réclamations, mais l'implication des militaires canadiens dans l'affaire doit être évidente. Ottawa verse également des compensations pour des événements survenus lors d'opérations menées conjointement avec l'armée nationale afghane.

«Lorsque nous avons commencé à faire pression sur les forces internationales pour qu'elles redonnent de la dignité aux Afghans à travers des compensations financières pour les morts, les blessés et les dommages matériels causés, nous avons dû faire de grands efforts pour les convaincre que les Afghans s'attendaient à recevoir ces sommes», a déclaré la porte-parole de CIVIC, Sarah Holewinski.

«C'est dans l'intérêt de nos soldats de prévenir une colère qui ne manquerait pas d'apparaître si nous ne reconnaissions pas leurs pertes.» Selon elle, il est impossible de gagner l'appui de la population et de stabiliser un pays si les tragiques pertes civiles sont ignorées.

Certains craignent que des gens abusent du système et que l'argent tombe aux mains des insurgés talibans, mais Mme Holewinski estime que les chances qu'un tel scénario se concrétise sont réduites lorsque les procédures adéquates sont mises en place et que les forces militaires connaissent les communautés impliquées.

Un rapport dévoilé en juin par l'organisation Addressing Civilian Harm in Afghanistan révélait que certains pays n'ont que très peu d'informations sur les dommages qu'ils provoquent, et qu'ils encouragent parfois les civils à faire des réclamations.

Le nombre de victimes civiles du conflit en Afghanistan continue de grimper. Un rapport publié le mois dernier par les Nations unies révélait qu'au moins 1271 Afghans ont été tués et 1997 blessés dans les combats des six premiers mois de l'année. Les talibans ont été tenus responsables pour 76 pour cent de ces décès.