La couverture des 40 ans de la crise d'Octobre a permis d'entendre ou de réentendre les principaux acteurs des événements qui ont profondément marqué le Québec. Jusqu'ici, toutefois, on n'avait jamais exploré en profondeur le drame familial qui s'est joué derrière les portes closes, dans les familles des individus impliqués.

La journaliste Lynda Baril a choisi d'explorer cette facette dans un documentaire en deux parties consacrées aux enfants de la crise d'Octobre. «L'idée m'est venue en parlant avec une amie, Danielle Groleau, qui était dans la même classe que le fils de Pierre Laporte, Jean. Elle se souvenait qu'il n'avait pas été en classe pendant plusieurs jours et l'impact que tout ça avait eu sur les autres enfants. Elle m'a dit: ça ferait un bon reportage et c'est ainsi que l'idée est née.»

Lynda Baril avait 9 ans au moment des événements d'Octobre. «Je me souviens que mes parents étaient inquiets et que la radio était ouverte en permanence dans la maison», explique la journaliste qui a choisi la radio plutôt que la télévision, où elle travaille aussi, pour raconter cette histoire.

Un peu comme dans Les enfants de Refus global de la cinéaste Manon Barbeau, Les enfants de la crise d'Octobre dévoile le côté intime d'un aspect très public de l'histoire du Québec.

Difficile de ne pas être ému en entendant les propos de Jean Laporte qui raconte avoir vu la devanture de sa maison au bulletin de nouvelles, alors qu'il était chez un ami. Il a ensuite appris que son père venait d'être kidnappé. Ou de l'entendre dire qu'il a compris que son père ne reviendrait pas en voyant l'image du coffre arrière d'une voiture ouvert, toujours à la télévision.

Troublant aussi d'entendre Michel Lanctôt, le jeune frère de Jacques, affirmer qu'il a coupé les liens avec sa famille et décidé de ne jamais avoir d'enfants à cause des mensonges de ses parents. Ou d'écouter le fils du chef de police de l'époque expliquer que son père pleurait tous les soirs avant de s'endormir.

Lynda Baril a consacré cinq mois à la scénarisation, aux entrevues et à la réalisation de ce reportage. Elle a commencé par contacter Jean Laporte qui a mis deux mois avant d'accepter sa demande d'entrevue. Plusieurs ont refusé, comme les enfants de Jérôme Choquette ou ceux de Marc Lalonde. La journaliste dit avoir été étonnée de constater qu'après toutes ces années, l'émotion était encore très vive chez ceux qui avaient accepté de témoigner. «Ces gens-là ont vécu un véritable traumatisme, souligne-t-elle. Dans le cas des filles de Jean Marchand ou de Gérard Pelletier, c'est comme si leur identité avait été indissociable des gestes qu'avait posés leur père. En outre, la plupart des enfants n'ont plus jamais parlé des événements par la suite, c'était devenu tabou dans leur entourage.»

> Les enfants de la crise d'Octobre (narration: Michel Lacombe) sera présenté lundi et mardi, les 4 et 5 octobre, à 11h, sur la Première chaîne de Radio-Canada.