L'entreprise spécialisée en travaux routiers Construction DJL ne pourra présenter des soumissions au ministère des Transports du Québec (MTQ) durant deux ans concernant certains types de travaux, après avoir obtenu un «rapport de rendement insatisfaisant» du Ministère.

C'est la première fois qu'une entreprise de construction de grande envergure comme DJL est frappée d'une telle sanction du ministère des Transports. Ce rapport négatif concerne un contrat majeur de 18,5 millions pour la réfection de structures de l'autoroute Ville-Marie, réalisée en 2013 et 2014.

Selon les documents obtenus, la qualité des travaux réalisés par DJL dans le cadre de ce contrat ne serait pas en cause. C'est tout le reste, dont l'organisation des travaux et le respect des échéanciers, qui semble avoir dérapé.

Le Ministère a ainsi donné une note insatisfaisante à DJL pour le personnel affecté au chantier, qui était inexpérimenté et en nombre insuffisant, pour son manque de collaboration «tout au long des travaux» le non-respect des délais contractuels, et le manque de diligence de l'entreprise à réagir aux avertissements de l'équipe de surveillance du chantier.

«Bien que l'entrepreneur ait mentionné à plusieurs reprises qu'il était en contrôle de la situation, il n'a jamais été en mesure de respecter son échéancier directeur», selon la fiche d'évaluation du rendement produite par le MTQ.

«Le dépassement de plusieurs délais contractuels démontre le manque de contrôle de la part de l'entrepreneur, poursuivent les évaluateurs. Certaines de ces situations ont même engendré des entraves aux voies de circulation. Le respect des phases de réalisation avait pour but d'assurer la sécurité des travailleurs, des usagers et la pérennité des structures. Face aux inquiétudes exprimées par l'équipe de surveillance, à maintes reprises, l'entreprise n'a jamais été en mesure de prendre adéquatement le contrôle du chantier».

En raison de cette évaluation défavorable, Construction DJL ne pourra plus soumissionner des contrats de construction ou de réfection d'ouvrages d'art (ponts, viaducs, etc.) avant la fin de mai 2016.

Évaluation contestée

Construction DJL conteste le rapport du MTQ et a tenté, en vain, d'obtenir de la Cour supérieure un sursis d'exécution. Celui-ci lui a été refusé le 20 juin dernier. Dans sa décision, le juge André Prévost a affirmé qu'«accorder le sursis demandé [par DJL] équivaudrait à la soustraire de l'application de la Loi sur les contrats des organismes publics», qui prévoit une évaluation du rendement des entreprises après la réalisation d'un contrat.

Selon un document déposé en Cour par DJL, le rapport du MTQ a eu pour effet d'empêcher l'entreprise de soumissionner pas moins de 24 appels d'offres publics du MTQ partout au Québec, et ce, pour le mois de juin seulement.

«Si la décision n'est pas suspendue, indique le document de l'entreprise, Construction DJL perdra des millions de dollars de revenus et devra mettre à pied presque 100 travailleurs, surtout en région. Il est vrai qu'il y a eu des tensions sur le chantier, admet l'entreprise dans sa requête judiciaire, mais c'était une situation attribuable à des conditions d'exécution manifestement différentes de celles prévues au contrat. La non-conformité de la part [de DJL] n'a pas été documentée par les surveillants.»

L'entreprise affirme par ailleurs, pour sa défense, que trois firmes d'ingénierie se sont succédé pour assurer la maîtrise d'oeuvre de ce contrat. Le signataire de l'évaluation de rendement négative, affirme DJL, «n'était pas présent sur le chantier où se déroulaient les travaux, sauf aux réunions de chantier ayant lieu toutes les deux semaines», et avait affecté un surveillant adjoint moins expérimenté pour surveiller les travaux.

Asphaltage permis

Les arguments de DJL n'ont pas convaincu le juge Prévost, de la Cour supérieure, qui estime «que le critère de l'apparence de droit, à ce stade, apparaît douteux».

Le juge a aussi estimé que le préjudice résultant du rapport «n'apparaît pas sérieux ou irréparable» pour Construction DJL, dans la mesure où l'entreprise pourra continuer d'obtenir des contrats du MTQ pour «certaines catégories de travaux».

Le MTQ a confirmé hier à La Presse que seuls les contrats comportant la construction ou la réparation des ponts, viaducs ou autres ouvrages d'art lui seront interdits pour deux ans. Ainsi, l'entreprise pourra continuer d'obtenir des contrats d'asphaltage, sa spécialité.

Selon des données compilées par la commission Charbonneau, DJL a obtenu du MTQ plus de 800 contrats d'asphaltage totalisant 455 millions sur une période de 15 ans, entre 1997 et 2012. La part de ces contrats «à prédominance asphalte» représente 14% de tous ces contrats accordés par le MTQ durant cette période.

La Presse a tenté hier d'obtenir la version de Construction DJL relativement à ce rapport insatisfaisant. Une porte-parole de l'entreprise a alors promis un communiqué en fin de journée, que La Presse attendait toujours à l'heure de tombée.