Déçues que les enjeux mis de l'avant lors de la crise étudiante et du «printemps érable» soient absents de la campagne électorale, des milliers de personnes ont manifesté dans les rues de Montréal mercredi après-midi.

Vers 15h, jeunes et moins jeunes ont entamé leur marche, à partir de la place du Canada, dans le centre-ville, en scandant un slogan souvent entendu au cours des derniers mois: «Charest, dehors, on va te trouver une job dans le Nord!» À plusieurs endroits sur le chemin des manifestants, des personnes ont brandi de grands draps ou des cartons rouges en signe de solidarité.

La Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), organisatrice de l'événement, a assuré que d'autres manifestations auraient lieu les 22 du mois, et ce, même si un nouveau gouvernement est élu le 4 septembre prochain. «Les élections ne seront pas suffisantes pour régler les malaises qu'on a soulevés au printemps dernier», a déclaré Jeanne Reynolds, co-porte-parole de l'organisation, peu avant le départ de la marche.

La Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, aussi à l'origine de la manifestation, a quant à elle dénoncé la «révolution tarifaire» des dernières années: «Hausses de tarifs, hausse des droits de scolarité, mais également taxe santé et hausse annoncée des tarifs d'hydroélectricité», a énuméré la porte-parole Véronique Laflamme.

La Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) a pour sa part appelé les Québécois à ne voter ni pour le Parti libéral du Québec ni pour la Coalition avenir Québec, qui préconisent la hausse des droits de scolarité. «Les Québécois méritent beaucoup mieux aux prochaines élections», a déclaré la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins.

La présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), Éliane Laberge, a ajouté que la manifestation était d'autant plus importante que l'éducation, selon elle, n'est visiblement pas un enjeu pour les partis politiques. «C'est en ce sens-là qu'on trouve extrêmement important d'être ici aujourd'hui. Pour rappeler à tous les partis politiques, et particulièrement au Parti libéral du Québec et à la Coalition avenir Québec, que nous, on a à coeur l'accessibilité aux études et qu'on est contre la hausse des frais de scolarité.»

Aux côtés des étudiants et des groupes sociaux, des candidats de Québec solidaire et d'Option nationale ont affiché leurs couleurs dans la foule.

10 000 ou 100 000 manifestants?

L'itinéraire n'avait pas été divulgué aux policiers. La manifestation a pris fin dans le Vieux-Port de Montréal. Durant la marche, quelques pièces pyrotechniques ont été lancées, mais il s'agissait de gestes isolés, a estimé la police qui a laissé la manifestation suivre son cours. Une trentaine de personnes masquées et vêtues en noir de la tête aux pieds se sont aussi chargées d'arracher toutes les affiches électorales sur leur passage. Rue Sherbrooke, une dizaine de manifestants ont injurié un petit groupe de policiers qui marchaient sur le trottoir. Une seule personne a été arrêtée pour méfaits.

La CLASSE a estimé la foule à 100 000 personnes, ce qui est bien loin du chiffre de 5000 à 10 000 personnes évoqué par des sources policières pendant la manifestation. Rappelons que le Service de police de la Ville de Montréal ne rend plus publiques ses estimations de foule. La Presse a constaté que, lorsque les derniers manifestants ont quitté la place du Canada, une demi-heure après le départ, la tête du cortège se trouvait 1,2 kilomètre plus loin, à l'angle des rues Sherbrooke et Durocher. Un expert en évaluation de foule, embauché par Radio-Canada, a pour sa part affirmé qu'il y avait 12 500 personnes au départ de la manifestation.

Jean Charest réagit

Loin des manifestants, le premier ministre Jean Charest visitait pour sa part un établissement touristique de Saint-Jean-sur-Richelieu au milieu des champs de maïs.

Depuis le début de la campagne, plusieurs ont relevé que la caravane du premier ministre sortant est régulièrement accompagnée d'un imposant dispositif de sécurité. Les activités ont généralement lieu dans des endroits isolés, inaccessibles aux manifestants.

Mais M. Charest se défend bien de craindre la rue. «Le choix du 4 septembre, c'est le rendez-vous que nous aurons tous, a-t-il dit. Autant les gens de la rue qui choisissent de manifester, ce qu'ils ont parfaitement le droit de faire, incluant ceux qui ne manifestent pas mais qui auront le droit de parole le 4 septembre prochain.»

- Avec Martin Croteau