C'est parce que les négociations étaient dans «l'impasse» que le gouvernement Charest dit avoir rompu les négociations, alors que les quatreassociations étudiantes voulaient continuer de discuter.

Que faire maintenant? «Nous espérons que dans les prochaines semaines, ce sera une période d'accalmie qui permettra à chacun de réfléchir à ces enjeux là», a répondu le premier ministre Jean Charest.

Même si le gouvernement a mis fin aux négociations, il assure que la porte «a toujours été ouverte» et qu'elle le reste.

Quant à la déclaration d'élections, il est resté vague. «Démocratiquement, il y aura une occasion pour les Québécois de s'exprimer sur cette chose-là». Cela permettra à la «majorité silencieuse de s'exprimer, et c'est dans cette perspective là que nous voyons la démarche démocratique qui viendra», a-t-il dit. Mais il a tenu à rappeler qu'il peut rester en mandat jusqu'en décembre 2013.

Même si les discussions ont été «constructives» et «polies», la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, jette tout le blâme sur les leaders étudiants. Ils ont «refusé d'assumer toute hausse des frais de scolarité», a-t-elle accusé. C'était donc «impossible de parvenir à un règlement à coût nul pour les contribuables», à cause de «cette notion de gel qui était pour eux non négociable.»

«Pour eux, c'était le moratoire ou rien», a-t-elle accusé.

Elle résume ainsi le choix qui s'offre au gouvernement: «céder sur la pression des étudiants qui demandent un gel des frais de scolarité ou s'assurer d'une contribution équitable de tous les citoyens».

Selon elle, les leaders étudiants voulaient aussi «abolir» le régime québécois d'épargne-étude. «Pour nous, il n'était absolument pas acceptable qu'on abolisse ce programme qui incite les familles à investir dans l'éducation de leurs enfants», a-t-elle avancé.

Le gouvernement proposait aussi d'organiser un «forum de discussion» au cours de la prochaine année scolaire. Il aurait réuni tous les acteurs de l'éducation et ceux des milieux socioéconomiques et communautaires, a expliqué Mme Courchesne.

«J'étais même prêt à le présider», a dit M. Charest.

>>> Voir notre texte sur la réaction des associations étudiantes

Une deuxième offre moins généreuse

Le gouvernement aurait d'abord proposé de diminuer à 13% le crédit d'impôt pour l'éducation. Cela permettait de réduire la hausse annuelle des frais de scolarité de 254$ à 219$. La hausse se faisait durant sept années. Elle aurait donc 1533$. Au début de la crise, le gouvernement proposait une hausse de 1625$ sur cinq ans.

Après cette première proposition, le gouvernement aurait par la suite révisé ses calculs sur le crédit d'impôt. Il serait revenu avec une deuxième offre. On voulait que la hausse soit de 100$ pour la première année  et 254$ pour la deuxième année, puis 325$ pour les années suivantes. La hausse totale, sur sept ans, aurait alors été de 1624$.

L'offre des étudiants

Les associations étudiantes voulaient atténuer la hausse en modulant le crédit d'impôt. La hausse aurait été annulée les deux premières années. Cela équivaut à un moratoire jusqu'à la fin légale du mandat du gouvernement Charest, qui se terminera en décembre 2013. Une hausse aurait été prévue pour les cinq années suivantes. Durant cette période, les frais auraient augmenté d'une somme totale de 1270$. Cette réduction de la hausse se serait faite à coût nul, selon ce qu'auraient proposé les étudiants. Ils auraient diminué en conséquence le crédit d'impôt.

Durant les négociations, le gouvernement a refusé de modifier la loi 78.

Legault et Marois veulent une solution temporaire

«Cela permettrait d'identifier des solutions pour sortir de l'impasse. Si le gouvernement veut continuer à jouer les matamores, les gens choisiront par des élections, que ce soit à l'automne ou dans un an,» a déclaré Pauline Marois dans un entretien à La Presse.

Pour la chef du parti québécois, Jean Charest «doit absolument aller lui-même à la table de négociation. Jamais un conflit d'une telle ampleur ne s'est réglé sans l'implication personnelle du premier ministre.»

Elle estime que le gouvernement «provoque les étudiants» et les amène à refuser ce qu'il propose «parce qu'il est dans une psychose, il craint de perdre la face». Le premier ministre Charest «a créé la crise, il l'a amplifié par la loi 78, alors que les étudiants ont montré de la bonne foi, mis des propositions sur la table», a-t-elle ajouté.

Des élections à court terme ne sont pas une solution pour Mme Marois. «Avant les élections, le gouvernement doit résoudre le problème au moins en partie, minimalement», a-t-elle dit. Appeler aux urnes dans un tel climat social, en plein été, «serait nuire au processus démocratique».

Mme Marois ne s'inquiète pas des menaces «d'organiser le Grand Prix» proférées par les négociateurs étudiants. «Ils vont profiter qu'il y a des gens en ville pour montrer leur point de vue. Je ne pense pas qu'ils veulent empêcher le Grand Prix de se tenir. Le gouvernement cherche toutes les façons de démoniser les étudiants», déplore-t-elle.

Pour François Legault, toutefois, de telles menaces ne sont «pas acceptables». «Il faut le dire clairement, on doit négocier sans menaces», a-t-il dit en point de presse.

Le gouvernement Charest, clairement incapable d'en arriver à une solution à long terme avec les étudiants, devrait se contenter de réduire à zéro la hausse des frais prévue pour la seule session d'automne, à même les crédits d'impôt sur les études postsecondaires, a indiqué M. Legault.

Du même souffle, Québec devrait annoncer la date des prochaines élections et les fixer pour l'automne prochain, selon M. Legault pour qui le Québec et Montréal ne peuvent se permettre un été de perturbations sociales.

«Après 16 semaines de grève étudiante, des centaines de manifestations, qu'on ait atteint l'économie de Montréal, on ne peut pas accepter d'en arriver là», a-t-il dit. Québec devrait retourner à la table de négociation et «régler la crise à court terme, négocier une solution pour la seule session d'automne», a-t-il dit.

«Les Québécois ne veulent plus d'un gouvernement toujours préoccupé par ses intérêts, qui vient alimenter la crise plutôt que la régler», a déclaré M. Legault.

Amir Khadir, le co-porte-parole de Québec Solidaire, a sévèrement critiqué la décision du gouvernement. «Au lieu de négocier de bonne foi avec sa jeunesse, Jean Charest a choisi d'accentuer les divisions au sein de la population avec une opération de relations publiques grossière visant à attaquer la crédibilité des étudiants. Quel gâchis!»

 

Menace de la CLASSE, pense M. Charest

Mme Courchesne a affirmé que la CLASSE a laissé entendre qu'elle perturberait le Grand Prix si des progrès ne se faisaient pas.«Les termes exacts, c'était de dire qu'avec cette offre-là, ils étaient pour organiser le grand prix», a-t-elle affirmé.

La CLASSE a appelé les citoyens à continuer de manifester. Selon M. Charest, il s'agit d'une menace. «Un gouvernement ne cède jamais devant la menace», a-t-il dit.

Tout en maintenant que la porte restait ouverte, M. Charest a enchaîné en disant que la CLASSE, «ce sont des gens qui menacent les Québécois».

(Pour approfondir le sujet, lire une analyse sur le crédit d'impôt, par un ancien président de la FEUQ).

Vers 16h, Mme Courchesne a rencontré la presse pour indiquer les négociations se trouvaient dans une impasse.

«Nous venons de vivre quatre jours d'intenses discussions, où les parties ont démontré de l'ouverture. Nous avons eu des discussions franches, très sérieuses. Force est de constater que nous sommes dans une impasse», a déclaré Mme Courchesne, qui donnera une conférence de presse avec le premier ministre Jean Charest à 17h30.

Le gouvernement avait fait deux offres aux associations étudiantes. La première diminuait de 35$ la hausse des droits de scolarité, ce qui a été rejeté par les leaders étudiants. Par la suite, la ministre de l'Éducation aurait proposé une hausse de 100$ la première année et 254$ la deuxième année, pour ensuite augmenter les droits de scolarité de 254$ sur une période de six ans.

De son côté, les associations étudiantes - unies autour de la table - ont également proposé de nombreuses contre-offres au gouvernement. La première mise sur la table visait à annuler la hausse des droits de scolarité sur une période de deux ans, en annulant le crédit d'impôt offert aux étudiants, le temps de tenir une conférence globale sur la gestion des universités. Après cette période de deux ans, la hausse aurait été de 1270$ sur une période de cinq ans.

De cette manière, les étudiants obtenaient un genre de moratoire sur la hausse des droits de scolarité, à coût nul pour les contribuables - ce que réclamait le gouvernement - dans l'espoir que le Parti libéral du Québec soit défait aux prochaines élections générales qui devraient se tenir au cours de la prochaine année.

Peu après 16h30, les quatre leaders étudiants représentant la FEUQ, la FECQ, la CLASSE et la TACEQ ont rencontré la presse pour dénoncer l'attitude «idéologique et politique» du gouvernement dans l'achoppement des négociations.

«Le gouvernement fait de la petite politique sur le dos des jeunes et franchement, c'est déplorable», a dit la présidente de la FEUQ, Martine Desjardins.

«C'est désillusionnant de voir tout ça, mais nous on reste disponible pour continuer à négocier», a pour sa part affirmé le président de la FECQ, Léo Bureau-Blouin.

Cette nouvelle impasse risque de plonger Montréal dans une longue nuit de manifestation ce soir. La traditionnelle marche nocturne partira de 20h30 au parc Émilie Gamelin.

Le porte-parole de la CLASSE Gabriel Nadeau-Dubois a également invité tous les étudiants et les citoyens à se rendre dans la rue au cours des prochaines heures et des prochains jours afin d'augmenter la cadence des manifestations.

La CLASSE invite également les gens à se rendre à une grande manifestation nationale, samedi à 14h, au parc Jeanne Mance à Montréal. Ce nouvel événement serait familial, a annoncé M. Nadeau-Dubois, et va inclure le mouvement des casseroles à la marche.

- Avec Tommy Chouinard et Hugo Pilon-Larose