Devant la commission Charbonneau, Nathalie Normandeau s'est dite « révoltée » par les firmes de génie qui auraient «magouillé» dans son dos et celui de son ministère pour obtenir des contrats.

Visiblement bien préparée, l'ancienne ministre des Affaires municipales a témoigné aujourd'hui avec calme et aplomb. Elle a vigoureusement défendu l'usage de son pouvoir discrétionnaire et a nié avoir déjà accordé des retours d'ascenseurs à ceux qui ont financé ses campagnes.

«C'est un moment important pour moi, ça fait deux ans que l'on remet en question sur la place publique mon intégrité et mon honnêteté, je vous remercie», a-t-elle déclaré à la juge France Charbonneau.

L'ex-ministre Normandeau affirme qu'elle a appris grâce aux travaux de la Commission que des firmes de génie ont tenté d'influencer des membres de comités de sélection, truqué des grilles de sélection, produit de faux comptes de dépenses et effectué de la fausse facturation.

«Ça s'est fait à l'insu du ministère et on appelle-ça de la magouille. Ça doit être condamné », a-t-elle déclaré. « Si ça s'avère vrai, j'espère juste que l'UPAQ va faire son travail.»

Sur la question du financement politique, Normandeau affirme qu'elle n'était pas « naïve ». « Certains espéraient certainement un retour d'ascenseur. Mais dans mon cas, ils se sont fait des illusions.»

«Bruno Lortie a peut-être trahi ma confiance»

Normandeau affirme que les révélations devant la Commission Charbonneau au sujet de son ancien chef de cabinet, Bruno Lortie, ont semé « un doute » dans son esprit. « Il a peut-être trahi ma confiance », a-t-elle déclaré.

« J'ai travaillé avec M. Lortie pendant huit ans et je lui ai toujours fait confiance. J'écoute les travaux de la Commission et j'apprends des choses et j'ai un doute. Je me pose des questions et j'espère qu'il n'a pas trahi ma confiance. J'espère. »

Lors de son témoignage, hier, Bruno Lortie a admis que son amitié avec Marc-Yvan Côté, un ex-ministre libéral devenu conseiller chez Roche, a pu aider la firme à faire progresser certains dossiers en attente d'une subvention aux Affaires municipales. Lors de son témoignage la semaine dernière, Marc-Yvan Côté a déclaré que Lortie était comme son fils « adoptif », tandis que Lortie a dit qu'il le voyait comme un frère. Ils se parlaient en moyenne une fois par semaine, un fait que Normandeau a appris devant la commission.

« Si Lortie a donné de l'information qui était considérée comme privilégiée et qui aurait permis à Roche d'avoir une longueur d'avance sur les autres firmes de génie, c'est condamnable, inacceptable et inexcusable. Je n'aurais jamais cautionné de tels comportements », a déclaré Normandeau en admettant, au passage, qu'elle savait que Côté travaillait pour Roche et s'impliquait dans son financement politique.

La juge France Charbonneau a noté que lors de son passage devant la Commission, Lortie semblait avoir une faible connaissance de ses dossiers. Normandeau a dit qu'au contraire, son ancien chef de cabinet était un homme rigoureux et travaillant.

Elle a ajouté qu'elle a appris devant la commission que Lortie travaillait à partir d'une liste de projets établie par les firmes de génie et qu'il rencontrait des ingénieurs la porte fermée dans son bureau du sans la présence du conseiller politique aux infrastructures

 «Je n'ai pas mis de la pression, j'ai fait mon travail de ministre»

Nathalie Normandeau, estime qu'elle n'a pas «abusé» de son pouvoir discrétionnaire en haussant à 32 reprises le montant des subventions accordées à des projets d'infrastructures de l'eau sans fournir de justificatif.

«J'ai signé 708 dossiers d'aide financière au ministère des Affaires municipales, tous ces dossiers-là étaient justifiés», a déclaré Normandeau. «Il y a 4,5% de dossiers pour lesquels j'ai utilisé mon pouvoir discrétionnaire. Je ne pense pas que c'est abuser de son pouvoir discrétionnaire», a-t-elle ajouté.

Nathalie Normandeau a beaucoup défendu l'usage du pouvoir discrétionnaire du ministre, affirmant qu'il s'agit d'un contrepoids à celui des fonctionnaires.

Le ministère des Affaires municipales a pour «client» les municipalités du Québec. Il accorde des subventions aux municipalités pour qu'elles puissent réaliser leurs projets d'infrastructures.

L'aide financière accordée aux municipalités était normalement fixée par un ingénieur du Ministère. La subvention pouvait se situer entre 50 et 85 % du coût des travaux. Mais l'intervention des ministres a parfois permis de faire passer le pourcentage de la subvention de 66 % à 80 %, voire à 95 %. Critiqué par le Vérificateur général du Québec, ce privilège a été aboli en 2013.

Sous le règne de Normandeau, des fonctionnaires ont refusé de signer des dossiers qu'ils croyaient contraires aux normes.

Nathalie Normandeau a expliqué que son premier critère pour considérer l'octroi d'une subvention était l'augmentation du compte de taxes. « Je comprends que le chargé de projet avec son algorithme ne prend pas cela en compte. Moi dans ces conditions-là je fais preuve de gros bon sens.»

«Ce que je voyais ce n'était pas les conduites d'eau et les tuyaux sous la terre, c'était d'améliorer la qualité de vie des citoyens, de redonner l'espoir aux municipalités dévitalisées», a-t-elle ajouté.

La juge Charbonneau lui a demandé si elle pouvait admettre qu'elle avait mis beaucoup de pression sur ses fonctionnaires afin d'avaliser ses hausses de subvention.

«Je n'appelle pas ça de la pression, j'appelle ça faire son travail de ministre», a-t-elle répondu.