Les procureurs de la commission Charbonneau ont dit mercredi à la Cour supérieure qu'ils ne comprennent pas pourquoi la GRC a subitement décidé de ne leur remettre aucun document de l'opération antimafia Colisée, tandis qu'au départ, elle se montrait tout à fait disposée à collaborer.

La commission d'enquête sur la construction a fait une première démarche en novembre: la GRC l'a alors assurée de sa pleine collaboration, a dit le procureur-chef adjoint de la Commission, Me Claude Chartrand.

Pour faire les choses dans l'ordre, la Commission a ensuite remis une assignation à comparaître à Gaétan Courchesne, responsable des enquêtes criminelles de la GRC au Québec. L'assignation lui annonçait qu'il serait appelé à déposer les informations résultant de l'opération Colisée. Encore là, personne n'a protesté, a dit Me Chartrand.

À la fin du mois de janvier, la Commission a demandé à la GRC de lui transmettre les informations qu'elle avait recueillies sur 7 entreprises de construction et 17 individus. À sa grande surprise, la GRC a répondu qu'elle ne lui donnerait rien.

La GRC s'est adressée à la Cour pour contester l'assignation à comparaître et l'obligation de transmettre des documents. La cause est entendue depuis mercredi devant la juge Guylaine Beaugé.

Les avocats de la GRC ont soutenu qu'en vertu d'un arrêt de la Cour suprême datant de 1979, ce corps de police fédéral n'a pas à répondre aux demandes d'une commission d'enquête provinciale. Cet arrêt a été rendu après la création de la commission d'enquête Keable sur les agissements illégaux d'agents de la GRC au Québec commis après la crise d'octobre 1970.

Le procureur du gouvernement fédéral, Me Claude Joyal, a ajouté que la demande de la commission Charbonneau posait des problèmes insurmontables. L'opération Colisée a intercepté 1,5 million de conversations téléphoniques entre 2002 et 2006, tourné des vidéos clandestines pendant 1500 jours et produit des dizaines de milliers de pages de rapport, a-t-il dit.

La GRC n'a pas le temps de faire le tri dans cette masse «monstrueuse» de documents pour trouver ce qui touche l'industrie de la construction et protéger les renseignements confidentiels, bref, de se mettre au service de la commission Charonneau, a plaidé Me Joyal.

Le procureur-chef de la Commission, Me Sylvain Lussier, a répliqué que la GRC interprétait mal l'arrêt Keable.

La Cour suprême a interdit à une commission d'enquête provinciale d'enquêter sur l'administration de la GRC, mais la commission Charbonneau n'a pas cet objectif, a-t-il dit.

Il a ajouté que la Cour suprême a autorisé les commissions d'enquête provinciales à assigner les agents de la GRC et à réclamer leurs documents. Il a souligné que la commission Charbonneau réclame des informations précises, et pas toute la masse de documents produits par l'opération Colisée.

Selon lui, pourquoi la GRC refuse-t-elle désormais de collaborer? lui ont demandé les journalistes.«Si vous trouvez la réponse, dites-le moi!», a répondu Me Lussier. Les débats se poursuivent jeudi.