«Très mal partie», la commission Bastarache risque de se retrouver dans un cul-de-sac et de coûter des millions de dollars pour rien, estiment les partis de l'opposition. Jean Charest n'a que lui à blâmer, selon eux.

Comme le premier ministre a défini lui-même le mandat de la Commission d'enquête sur le processus de nomination des juges et a choisi son président, il a donné prise aux attaques de Marc Bellemare, qui met en doute l'impartialité de l'exercice, croit la députée péquiste Véronique Hivon. L'ancien ministre de la Justice refuse maintenant de témoigner devant Michel Bastarache, de tomber dans ce qu'il appelle un «piège à cons». Il est prêt à contester l'assignation à comparaître.

 

«Jean Charest s'est mis dans une position de fragilité extrême, a affirmé hier la députée de Joliette. À partir du moment où le premier ministre a décidé d'être juge et partie, il s'exposait et exposait la commission à de graves critiques. Et c'est ce qui arrive. Pourquoi ne pas avoir mis en place toutes les précautions possibles pour que ça ne puisse pas être mise en cause, pour ne pas qu'on puisse dire que ce n'est pas intègre? C'est excessivement malheureux et même choquant.»

Selon la critique en matière de justice, comme il est directement visé par les allégations de Marc Bellemare, M. Charest aurait dû confier à une instance indépendante, comme le vérificateur général, la tâche de définir le mandat et la composition de la Commission.

Le premier ministre a maintenant «un sérieux problème sur les épaules» avec le refus de comparaître du témoin principal, Marc Bellemare, dont les allégations sont à l'origine de la création de l'enquête publique. Si la commission se retrouve dans un cul-de-sac, «c'est la faute à Jean Charest qui a décidé d'agir de manière totalement improvisée», a-t-elle ajouté.

«On n'a aucune idée quand la Commission va aboutir, si ça va aboutir. Il y a des millions qui vont aller là-dedans et qu'on va tous payer.»

Lundi, Michel Bastarache a soulevé de nombreux doutes sur la pertinence de donner le statut de participant à l'opposition officielle, plaidant que la Commission n'est pas un «forum politique». Pour Véronique Hivon, la participation de l'équipe péquiste est «tout à fait essentielle» car elle doit notamment «surveiller les actes du gouvernement». Le PLQ et M. Charest ont aussi demandé d'être participant, a-t-elle souligné.

L'ADQ et Québec solidaire appuient la demande des péquistes. «Si on sort un parti politique de l'arène, ça ne va pas améliorer l'image de la Commission. Le juge Bastarache doit penser à l'apparence de justice», a dit la députée adéquiste, Sylvie Roy.

Pour Amir Khadir, «Michel Bastarache doit reconnaître, et ne pas se mettre la tête dans le sable, que cette commission est politique avant d'être administrative et judiciaire». S'il refuse la demande, «on va avoir un problème encore plus grave».

Selon le député de Québec solidaire, la Commission souffre d'«un problème de crédibilité et de perception de conflit d'intérêts». M. Bastarache est avocat-conseil chez Heenan Blaikie, qui reçoit des contrats du gouvernement et «a des liens avec le Parti libéral», a-t-il dit. Des avocats de la firme contribuent au PLQ. Ce n'est toutefois pas «une garantie d'impartialité» pour M. Khadir. Michel Bastarache «peut se ressaisir», et Marc Bellemare doit accepter de comparaître. «Il se dit mal à l'aise de témoigner devant un juge qui a été nommé par son adversaire. Je le comprends. Je lui recommande quand même que, si légalement il est tenu de le faire, qu'il participe plutôt que de contester. Parce que la patience du public est mise à mal actuellement», a expliqué M. Khadir. Le PQ et l'ADQ n'ont pas voulu dire si M. Bellemare devait ou pas participer, affirmant que c'est à lui d'en juger.

Amir Khadir tient M. Charest responsable des déboires de la Commission. «Si le gouvernement avait accepté que Me Bellemare vienne témoigner devant une commission parlementaire, ça n'aurait pas coûté un rond, et on serait déjà avancé», a-t-il dit. Me Bellemare avait lui-même demandé de témoigner devant les députés.

Pour Sylvie Roy, la commission Bastarache «était inutile dès le départ» et «ne va rien donner». Une commission parlementaire aurait permis de voir si les allégations de Marc Bellemare sont un «pétard mouillé» ou justifient une enquête publique dont le mandat aurait pu être mieux défini.