Les nombreuses images captées par des caméras à la Grande Mosquée de Québec le 29 janvier 2017 ne pourront pas être diffusées par les médias.

Le juge François Huot de la Cour supérieure estime que la diffusion des images où l'on voit Alexandre Bissonnette tuer six Québécois de confession musulmane compromettrait « grandement le bon fonctionnement de la justice et le bien public ».

« Le Tribunal ne peut faire abstraction de l'effet probable de contagion des vidéos. Bien que non comparable à ce qui existe aux États-Unis, le Canada a néanmoins connu une douzaine de tueries de masse, a ajouté le magistrat dans sa décision mercredi. Il importe de préserver notre population et surtout ses membres les plus jeunes et les plus influençables. »

Les sept enregistrements doivent être déposés en preuve lors des observations sur la peine qui commencent mercredi après-midi. La Couronne avait demandé une ordonnance de non-diffusion des vidéos. Un consortium de médias réclamait le droit diffuser les images, expurgées de leurs passages les plus violents. 

La Couronne a fait témoigner vendredi trois témoins qui ont dit craindre qu'une diffusion dans les médias puisse entraîner un traumatisme pour les survivants et qu'elle ne nourrisse l'extrémisme et le radicalisme. 

Le consortium des médias faisait notamment valoir qu'Alexandre Bissonnette, qui a plaidé coupable à six chefs de meurtre au premier degré et six chefs de tentative de meurtre, est passible d'une peine historique de 150 ans de prison ferme. Or, selon le juge Huot, le visionnement des images n'est pas essentiel au public pour comprendre la peine à venir.

« Le public n'a pas besoin de visionner ces images pour se faire une idée de l'ampleur des crimes connus », a dit le magistrat.

Après deux jours d'audiences, la Cour supérieure donne donc raison au ministère public.  

Les images de la tuerie seront vraisemblablement diffusées uniquement dans une salle d'audience du palais de justice de Québec.

En plus de deux experts, la Couronne a fait témoigner le président du Centre culturel islamique de Québec (CCIQ). Boufeldja Benabdallah a déclaré au juge que les survivants et les familles des victimes s'opposaient farouchement à la diffusion des images de la tuerie.

« Quand on a appris que les médias voulaient diffuser les images, c'était la consternation. Les épouses pleuraient et nous-mêmes, a raconté M. Benabdallah. On s'est dit : nous allons revivre les atrocités du 29 janvier 2017. C'est comme une deuxième mort. »