La communauté musulmane de Montréal était sous le choc, hier, au lendemain de la fusillade survenue dans une mosquée de Québec. Consternation, tristesse, inquiétude : les personnes de confession musulmane rencontrées hier midi se disaient toutes très touchées par le drame.

ENCORE PLUS UNIS

« Cette attaque d'un sanctuaire où des gens, incluant des enfants, se recueillaient nous a fortement ébranlés. Nos condoléances vont aux familles des disparus, et nous prions pour les gens blessés », a indiqué par communiqué l'imam Syed Fida Bukhari, du Centre islamique du Québec, à Montréal. Il s'agit de la plus importante mosquée de la province, qui accueille près de 1000 fidèles chaque jour, à l'occasion de cinq prières quotidiennes.

Rencontré sur place, le porte-parole Danish Muzaffar a renchéri : « Nous sommes tous sous le choc après cet événement tragique. Nous sommes tristes pour nos amis de la communauté à Québec. Le monde n'est plus ce qu'il était, on doit être plus unis encore. Nous n'avons pas peur, nous allons continuer et nous serons forts. »

INQUIÉTUDE

« Je viens pour des funérailles et, pour vous dire, j'ai un peu peur d'y assister. Ces jeunes [tueurs], on ne connaît pas leurs motifs, ils ont dû avoir un passé isolé, trouble, a confié M. Hassan devant le Centre islamique du Québec. Comment peut-on s'attaquer à des innocents qui prient dans une mosquée, un dimanche soir ? C'est dramatique. »

« C'est incroyable de voir ça à Québec. À Montréal, sommes-nous mieux entourés ? Ça fait peur, a indiqué Hisham Shakarchi, avant de franchir la porte de la mosquée. On doit maintenant se tourner le dos pour voir qui est derrière nous. On fait partie de la famille québécoise, c'est horrible. Nous sommes tous victimes. »

« C'est un incident tragique qui a été fait pour nous faire peur, nous diviser, croit Samira Reza, 18 ans. On aime vraiment le Québec. Le Canada est mon pays, au même titre que tous les Canadiens. Je sais qu'il y a beaucoup d'extrémistes dans le monde, dans tous les pays, il faut s'y adapter. C'est inquiétant et j'espère que ça cessera. Le Québec est diversifié, et l'amour l'emportera. »

SÉCURITÉ AUGMENTÉE

Devant chacune des mosquées visitées, des voitures de police étaient bien visibles, hier. Les mesures de sécurité seront augmentées. « On va ajouter des agents de sécurité dans nos établissements. On a appelé la police, et nous préparons un plan pour sécuriser les lieux », a expliqué Samer Elniz, directeur du Centre communautaire Laurentien et responsable de la mosquée Al-Rawdah. Le centre, qui est fréquenté par des centaines de personnes chaque jour, a déjà reçu des menaces par lettres, au téléphone. Il y a six ans, on a fracassé la vitrine. « Les parents des enfants qui fréquentent l'école à côté ont peur. »

Au Centre islamique du Québec, on augmentera aussi la sécurité. « Nous allons rencontrer notre conseil d'administration aujourd'hui et voir de quelle façon nous allons renforcer la sécurité », a expliqué le porte-parole Danish Muzaffar.

« UN ACTE ISOLÉ »

Les personnes rencontrées s'expliquaient difficilement le drame. « J'ai grandi ici et, jamais en 30 ans, je n'ai eu de problème. C'est vraiment malheureux, c'est sûrement l'oeuvre d'un individu malade, c'est un acte isolé », a confié un homme aux abords de la mosquée Al-Rawdah.

Marcel Bouarara est du même avis. « Pourquoi c'est arrivé ? Ce n'est pas normal ici, au Canada, terre d'accueil. Peut-être que des gens auront une mauvaise impression des Québécois, mais il ne faut pas. C'est un acte isolé. Jamais je n'ai senti d'islamophobie. » À ses côtés, Rabah Mansouri et Sadeddine Houamed acquiesçaient.

L'imam Syed Fida Bukhari invite néanmoins la communauté musulmane à rester calme. « Le Canada est un endroit sûr, d'où notre choc, a dit Danish Muzaffar. On comprend que ces actes sont le fait d'individus qui ne représentent pas l'ensemble des Canadiens. Nous devons travailler tous ensemble pour prévenir ce genre de drame. »

LA FAUTE À DONALD TRUMP ?

« Le Canada est un pays pacifique, nous vivons dans une mosaïque culturelle, tous égaux. C'est inexplicable, a dit Abul Shari, qui blâme le nouveau président américain Donald Trump. Ça me semble être un acte terroriste en réponse aux nouvelles mesures de Trump. Mais ça reste un incident isolé. »

« On sent le vent changer depuis l'arrivée de Donald Trump, le racisme est plus présent, avance Sharmin Kabir, rencontrée au Centre islamique du Québec. Mais le premier ministre Trudeau continue de parler de terre d'accueil, c'est rassurant. »

« Que voulaient les tueurs ? Voulaient-ils ébranler Trump indirectement, le soutenir ? Jamais on n'a senti d'islamophobie ici, au grand jamais », insiste Rabah Mansouri, rencontré à deux pas de la mosquée Al-Rawdah.

SOLIDARITÉ

« On sait que les Canadiens sont avec nous, sont solidaires », a dit M. Muzaffar. « Nous avons reçu de nombreux messages de soutien [...]. On sent l'appui de la population », insiste M. Elniz. Des rassemblements étaient d'ailleurs prévues hier soir à Montréal et à Québec.

Kathleen Boucher, qui travaille dans une école qui accueille plusieurs enfants musulmans, s'est rendue directement au Centre islamique du Québec, où elle a déposé une gerbe de fleurs. « Je suis ici en signe de support et de solidarité, d'amitié aussi envers la communauté. J'ai réagi avec désarroi, avec stupeur. Personne n'est à l'abri. Je ne crois pas que ce drame créera de tensions. Nous sommes habitués de vivre ensemble, on apprécie le faire aussi. »