Le père de Michael Zehaf Bibeau, Belgasem Zehaf, a pris les armes en Libye pour combattre le régime de Mouammar Kadhafi. Mais selon un proche, il était loin d'appartenir à la mouvance islamiste.

«Son père, c'est un gars de club. Il n'a rien à voir avec les islamistes. Il avait un bar et un café. Il faisait des after-hours. Il conduisait une Porsche, il est marié à une Québécoise. Tu comprends?»

Ahmed Chouaya connaît bien la famille Zehaf Bibeau. Son père, dit-il, est l'un des meilleurs amis de Belgasem Zehaf, que tout le monde surnomme Belo. Selon lui, Belo est un commerçant bien connu au centre-ville. Il était propriétaire du café Bistro Tripoli et du bar My Apartment, deux établissements de la rue Crescent aujourd'hui fermés.

Après le début de la rébellion, en 2011, Belgasem Zehaf s'est rendu en Libye pour se battre aux côtés des révolutionnaires. Laïque, il rêvait de retrouver son pays libre du joug de Kadhafi et d'y investir son argent, selon M. Chouaya.

«Le père a de l'argent, il veut investir chez lui, il veut avoir une belle vie. Il pensait qu'il pouvait avoir une situation en Libye, quelque chose», a raconté Ahmed Chouaya lors d'une entrevue téléphonique dans la boutique du centre-ville où il travaille. Malheureusement, souligne M. Chouaya, les islamistes ont pris le contrôle. «Ça s'appelait le Printemps arabe, ça s'appelle maintenant l'hiver arabe.»

Basé dans la capitale américaine, le journaliste Ashish Kumar Sen a interviewé Bulgasem Zehaf en août 2011 pour le Washington Times. Le père de Michael Zehaf Bibeau était à Montréal et rentrait tout juste de Libye.

«Il s'était rendu à Zawiya, dont il est originaire. Il y avait des groupes de rebelles, dont les brigades de Zawiya, qui combattaient dans l'ouest du pays», a dit hier Ashish Kumar Sen, après avoir retrouvé son carnet de notes de l'entrevue de 2011. «Il ne m'a pas parlé de son fils à l'époque. Il m'a surtout parlé de ce qu'il a vécu en prison», ajoute le reporter et consultant en communications pour la Banque mondiale.

Selon M. Kumar Sen, Bulgasem Zehaf aurait été détenu pendant un mois par les fidèles de Kadhafi dans une prison bondée. L'ex-détenu a qualifié les conditions de détention d'«inhumaines» et affirmé que les prisonniers avaient été soumis à la torture.

Bibeau inconnu dans les cercles musulmans

Michael Zehaf Bibeau était un total inconnu dans les cercles d'internautes montréalais qui s'intéressent à l'islam.

En revanche, sous le couvert de l'anonymat, l'un des intervenants connus dans ces milieux a révélé avoir échangé longuement avec Martin Couture-Rouleau, responsable du décès d'un militaire à Saint-Jean-sur-Richelieu, mardi.

Trois jours avant son attentat, Couture-Rouleau discutait ouvertement sur Facebook avec cet homme, considéré comme un islamiste radical. Il avait été suggéré comme «ami» par le réseau social; Akmed le converti venait de se faire expulser d'un groupe d'islamistes montréalais modérés.

Les affirmations de Couture-Rouleau étaient si exagérées et caricaturales qu'on aurait pu croire que c'était «un faux musulman» désireux d'entrer en contact avec des cellules radicales au Québec. «C'était des choses comme: «Il faut tuer les mécréants», avec des photos de Ben Laden.»

Quelques questions plus précises sur la religion musulmane sont restées sans réponse. «Ce gars-là n'est pas un vrai musulman. Il ne connaissait rien de l'islam.»

- Denis Lessard